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Quand la politique fausse le commerce
CONTENTIEUX IMPRIMEURS-JOURNAUX
Publié dans L'Expression le 21 - 08 - 2003

Est-il réaliste de parler de commerce sans rendre publics tous les paramètres relatifs à cette transaction de prestation de service entre imprimeries publiques et journaux qui se disant autonomes et privés?
Pour un pouvoir qui n'a rien de démocratique et de transparent, suspendre un journal est très facile. Surtout, lorsque ce dernier est ombilicalement lié au système politique qui l'a fait naître ou qui est le prolongement ou le relais malgré lui d'une sphère de puissants à qui tout est permis. L'actuel litige entre les imprimeurs de l'Etat et les six quotidiens suspendus tire son origine de ce postulat implacable qui fait qu'un journal qui se présente comme indépendant voit toujours suspendre au dessus de lui l'épée de Damoclès de la non-parution pour atteinte aux intérêts politiques et économiques des tenants du système ou plus fallacieusement pour non-application des règles de la commercialité que ces mêmes acteurs du système ont établi et qu'ils sont les premiers à transgresser. Nous sommes donc loin des règles universelles de la commercialité telles qu'elles sont appliquées ailleurs dans le monde.
En droit commercial, il faut savoir que si un différend de ce type est soumis devant une instance judiciaire, le simple fait d'accepter par la partie endettée le principe du paiement peut régler progressivement le litige.
L'argument du juge étant que le créancier peut se faire payer par échéancier surtout si son vis-à-vis n'a pas les moyens de rembourser tout et toute de suite.
Or c'est ce qu'exigent les imprimeurs aujourd'hui, en dépit du bon sens de la logique commerciale qui voudrait que les affaires ne peuvent se faire que sur une marge de crédit raisonnable. Les chiffres rendus publics par les imprimeurs du gouvernement et relatifs aux dettes des quotidiens incriminés sont plus ou moins reconnus par les patrons de ces entreprises de presse. Certains se sont mêmes exécutés et ont payé une partie ou la totalité de ce qui leur est dû. Ils n'ont pas été imprimés pour autant. Tout au contraire, on leur a exhibé d'autres dettes qui, dans un autre pays qui appliquerait à la lettre le droit commercial, auraient été frappées de prescription et donc purement et simplement effacées. C'est là que réside, encore une fois, le caractère politique de cette énième suspension de journaux. Quant au volet chiffré de cette affaire, il faut dire que comme par le passé, on publie que ce qu'on veut bien publier. Des données fondamentales sont ainsi occultées. Le montant de recettes publicitaires que ces quotidiens doivent à certains organismes d'Etat et qui se chiffrent aussi par milliards de centimes, la mercuriale du prix du papier et des autres accessoires et produits d'impression sont jalousement gardés. Il est vrai que la comptabilité des uns et des autres n'est jamais demandée par les pouvoirs publics, cela expliquerait pourquoi les éditeurs de journaux n'osent que trop rarement réclamer des comptes rigoureux aux imprimeurs sur ce volet. Faut-il rappeler par exemple que le développement prodigieux des technologies de communication de masse dans le monde et en Algérie (Internet, courrier électronique, etc.) a considérablement fait chuter le prix du papier journal et des équipements qui vont avec, sans que cela se traduise par une baisse du coût de revient dans la fabrication des journaux en Algérie? Ainsi, si en 1998, la tonne de papier était acquise à plus de 1000 dollars sur le marché mondial, aujourd'hui, selon les connaisseurs de ce secteur, son prix ne dépasse guère les 700 dollars. Il y a nécessairement quelque part arnaque, sinon pratique déloyale en termes d'appropriation occulte de cette différence de prix sur le dos des quotidiens de presse qui sont fabriqués en référence au prix d'il y a cinq ans.
En somme, comme pour tous les autres domaines d'activité, la presse est victime des archaïsmes de l'économie de marché à l'algérienne, dont ses promoteurs ne cessent de clamer la nécessité et les aspects positifs, mais qui n'est en fait qu'un habillage sur mesure pour une économie depuis longtemps monopolisée par certains à leur strict et exclusif intérêt personnel.


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