Sous d'autres cieux, le contentieux aurait été réglé par la voie judiciaire. Près d'une semaine après la mesure de suspension qui a frappé les quotidiens endettés, la crise demeure entière pour nombre de titres malgré la reparution de deux d'entre eux. Si Liberté et El Khabar sont de nouveau sur les étals des kiosques et buralistes, cela ne veut pas dire pour autant que l'affaire soit réglée pour les autres journaux touchés par la décision de suspension du gouvernement. Mais le plus curieux dans ce feuilleton presse indépendante-pouvoir, c'est que ce n'est que maintenant que les deux protagonistes commencent à mettre en avant le volet juridique de la question. Tout d'abord occulté et relégué au second plan par l'aspect purement commercial des rapports entre imprimeries gouvernementales et patrons de journaux et par la polémique politique et politicienne qui s'en est suivie, le respect de la loi et donc des obligations des uns et des autres n'a été que peu ou prou évoqué par les deux parties. Tout le monde sait pourtant, que depuis 1998, les rapports entre les imprimeurs et ces journaux étaient régis par des contrats en bonne et due forme à travers des clauses et des échéanciers de paiement précis. Puis, soudainement tout l'échafaudage s'écroule par une mesure de suspension décidée non pas par une quelconque sentence d'un tribunal de commerce, mais par une décision administrative transmise par les responsables des imprimeries aux rédactions des journaux concernés sous formes de fax. Il n'y a eu ni plainte ni poursuites judiciaires pour défaut ou incapacité de paiement à l'encontre des quotidiens incriminés. En la matière, ce sont les responsables des imprimeries qui sont en défaut du point de vue du droit. Car, dans ce cas d'espèce, il y a manifestement quelque part une rupture unilatérale d'un contrat signé de la part des organismes d'impression. En outre, les journaux concernés se sont estimés lésés non seulement par cette soudaine transgression de clauses commerciales, mais également par le caractère discriminatoire devant la loi de cette mesure qui touche uniquement 6 journaux sur 42 qui sont aussi, sinon plus endettés que les quotidiens interdits d'impression. Devant un tribunal impartial, nul doute que jamais une telle mesure sélective ne serait passée et encore moins mise en exécution dans la pratique. L'injustice et l'iniquité auraient été trop flagrantes pour pouvoir être admises comme légales et légitimes. Au lieu de corriger ces dérives d'un Etat de non-droit, le gouvernement s'est mis à soupçonner les journaux touchés par la suspension de non-conformité avec la législation du travail et des lois sociales qui régissent la relation de travail dans le pays. Il leur (les journaux) a dépêché l'un après l'autre des équipes de l'Inspection du travail, histoire de leur trouver des failles pour les enfoncer davantage. Faisant fi du manque à gagner financier qui se répercutera inévitablement autant sur ces entreprises de presse que sur les imprimeries gouvernementales, l'exécutif semble n'être préoccupé que par le côté politicien de l'affaire, c'est-à-dire les révélations et autres scandales qui pourraient fausser ses calculs ou ses projets. Autrement dit, c'est toujours la politique qui prime le droit et pas seulement dans la relation imprimeurs-éditeurs, mais aussi dans presque tous les autres domaines d'activité de la vie économique et sociale du pays. L'archaïsme l'emporte sur la rigueur du droit et la rationalité économique et commerciale.