El Moudjahid est l'une des rares publications à ne pas lui avoir accordé d'intérêt. La plupart des titres de la presse quotidienne revenait, hier, par le biais de commentaires ou la publication de réactions de partis politiques et de la société civile, sur les mesures de suspension arrêtées par le chef du gouvernement, à l'encontre de six journaux indépendants. Curieusement, au contraire de la plupart des médias qui ne sont pas restés insensibles, devant cette affaire, à la suite de laquelle, six quotidiens risquent, sauf revirement de dernière minute, de ne pas être présents dans les kiosques, El Moudjahid est l'une des rares publications à ne pas lui avoir accordé d'intérêt. Sous le titre «Bouteflika est-il piégé?», Le Quotidien d'Oran relève «que de deux choses l'une» ou bien le Président est «machiavéliquement» poussé à commettre, faute sur faute, dans sa quête d'un second mandat, «ou alors, sûr de ses appuis, il a franchement choisi de bousculer les obstacles sans être regardant sur les moyens et la méthode». (...) «Même s'il a mille raisons de souhaiter faire taire cette presse, ses intérêts immédiats devraient le dissuader de cautionner la menace dont elle est l'objet. C'est lui qui, en effet, en fera les frais si elle venait à être mise à exécution». Le quotidien Ec Chourouk estime que les mesures qui visent, de nouveau, la presse, sont le résultat d'un conflit qu'entretient, sciemment, le gouvernement Ouyahia, symbole de la «falsification et du rapt de la volonté populaire». «Il s'agit là, ajoute-t-il, d'une bataille fratricide au sein d'une même famille qui ne prendra fin que lorsque la presse cessera de dévoiler les rapports des services de renseignement et les dossiers de règlement de comptes...» «Ce n'est qu'à ce moment, selon lui, que le gouvernement Ouyahia fermera les yeux et se glorifiera de cette presse «spéciale» et de la liberté d'expression en Algérie». La Dépêche de Kabylie, tout en condamnant les mesures de suspension et en exprimant sa solidarité avec les titres touchés par celles-ci, rappelle qu'elle a eu, elle aussi, à vivre pareille situation. «En effet, quelques mois après notre naissance, la pression a été intense sur notre titre. Outre les différentes et cycliques missives de notre imprimeur, nous intimant l'ordre de payer notre facture avant terme, nous avons subi, la mort dans l'âme, plusieurs diminutions de notre tirage». Pour La Nouvelle République, «on ne peut faire l'économie de commenter cette affaire qui n'est en fait, que le symptôme d'une vulnérabilité chronique de la corporation qui a pourtant vécu des expérience à même de lui montrer la voie à suivre. Celle d'un corps uni autour d'objectifs communs, ne mettant en avant le principe de commercialité à l'intérieur de la profession, que pour acquérir et rechercher davantage, l'indépendance vis-à-vis de toutes les instances étatiques ou gouvernementales». Le directeur du journal d'El Khabar, victime de la décision d'Ouyahia, qui a décidé d'ester en justice les imprimeries du Centre, rappelle que son entreprise n'est plus liée à cette dernière depuis le 16 Juin 2001, date du lancement de l'imprimerie propre au journal. Il indique que le responsable de cette imprimerie avance le chiffre «erroné» d'une dette estimée à plus de 4,2 milliards de centimes au lieu des 3, 5 millions de centimes, objet d'un litige sur lequel la justice a, déjà eu l'occasion de se prononcer en date du 26 février 2003. Il accuse le directeur de cette imprimerie d'être à la solde des décideurs «auxquels il ne refuse rien». Dans sa rubrique, intitulée Bazooka, Le Soir d'Algérie, ciblé par la mesure de suspension indique, qu'un certain nombre d'éléments, parmi lesquels il cite, entre autres, la nouvelle menace contre la presse, «montrent que nous sommes en face d'un coup d'Etat». Le journal en veut pour preuve, la création, par le Président Bouteflika, de «cette espèce de commission pour les disparus» destinée à rappeler à l'ANP qu'«il peut lui sortir des dossiers pouvant la gêner», puis, «deuxième épisode du silence, interdire les journaux, (...) Message très clair : avec ou sans votre argent, vous ne sortirez pas! Le tout est à lier à la bataille menée pour casser le FLN (...) et imposer par la ruse et la force, un nouveau rapport de force lui permettant de mettre au pas les institutions légales du pays et d'abord l'ANP, les partis, demain l'APN». Dans son éditorial, Liberté, autre quotidien frappé par la mesure Ouyahia, estime qu'«il n'y a que les régimes illégitimes et dictatoriaux qui engagent des batailles contre la liberté d'expression pour se maintenir au pouvoir et tenir leurs citoyens par la force et dans l'ignorance». S'adressant, directement, au Président et à son Chef de gouvernement, traités de «couple infernal», le journal les accuse de vouloir jeter une autre chape de plomb sur la société. «Vous êtes en décalage avec la réalité et pris en flagrant délit dans une tentative désespérée d'assassinat de la presse libre. (...) Aujourd'hui, demain et toujours, vous porterez cette infamie sur vos fronts et sur vos noms. L'Histoire est un juge impitoyable. Pensez-y». Le journal Al Nasr prend, directement partie en se rangeant aux côtés des imprimeries «victimes, selon lui, des impayés et qui tentent de récupérer quelque 345 milliards de centimes auprès des journaux pour les plus anciens d'entre eux et 12 milliards de centimes pour ceux qui ont moins de deux ans d'âge». «Il s'agit là, écrit-il, d'un état de fait qui traduit les velléités de certains titres, à ne vouloir, jamais, s'acquitter de leurs dettes».