Les électeurs marocains votaient sans empressement vendredi pour élire de nouveaux députés, fidèles à une tradition de fort abstentionnisme dans le royaume chérifien. Dans les quartiers riches comme dans les zones défavorisées de Casablanca, les bureaux de vote étaient peu fréquentés après la prière du vendredi, pour un scrutin que pourraient remporter des islamistes modérés. «Je viens accomplir mon devoir civique», a simplement expliqué Hassan, un pharmacien francophone, en patientant avec une trentaine d'autres électeurs devant le lycée Moulay Driss Ier, dans le quartier huppé d'Anfa. «Il y a un processus initié par le roi et il faut qu'il aille jusqu'au bout», assure-t-il, en commentant une consultation dont les islamiste modérés du Parti Justice et Développement (PJD) pourraient sortir renforcés. Se faisant écho des craintes que cette perspective inspire dans les milieux les plus aisés, une femme d'une quarantaine d'années habillée à l'occidentale, exprime ouvertement son hostilités à l'égard des «islamistes». « Il faut faire barrage aux islamistes», affirme Nadia, qui dit travailler dans le privé. «Oui, j'ai voté sans grande conviction», reconnaît-elle. «Oui, (les politiques) ne sont pas des saints. Mais je pense que c'est le seul moyen pour éviter un raz-de-marée islamiste». Si les prévisions des commentateurs se confirment, le PJD, aujourd'hui premier parti de l'opposition parlementaire pourrait accéder pour la première fois au gouvernement. L'enjeu du scrutin --qui doit permettre d'élire 395 députés issus d'une trentaine de partis-- semblait toutefois avoir peu mobilisé, en milieu de journée, selon des chiffres officiels. Le ministère marocain de l'Intérieur a annoncé que le taux de participation atteignait 11,5% à 12H00 locales (11H00 GMT), soit un point et demi de mieux qu'aux législatives de 2007. La participation est traditionnellement faible aux Maroc (37% des inscrits avaient pris la peine d'aller voter en 2007). L'affluence était encore plus réduite dans le bidonville de Sidi Moumen, une zone particulièrement défavorisée de la grande métropole industrielle marocaine, où vivent quelque cinq millions. C'est d'ici qu'en mai 2003, 14 kamikazes étaient partis pour perpétrer un attentat au cœur de Casablanca, faisant 45 morts et des dizaines de blessés. «Il y a 154 inscrits dans ce bureau, 14 ont voté et il est 12H14», commente le responsable d'un bureau de vote du collège Ibn Haytham, à Sidi Moumen. «Mais d'habitude », note-t-il, «les gens viennent l'après-midi, après la prière du vendredi». Et «après le couscous de midi», ajoute-t-il en riant. Une jeune femme de 20 ans, un foulard léger nouée sur la tête, s'apprête à déposer son bulletin dans l'urne. «Je vais voter pour le Parti justice et développement. Je veux voir ce dont ils sont capables», explique-t-elle. C'est la première fois que cette employée de boulangerie participe à une élection, mais autour d'elle l'intérêt est mitigé pour ces législatives, cinq mois après une réforme constitutionnelle qui prévoit plus de démocratie. «Autour de moi, parmi ma famille et mes amis, on ne vote pas toujours. Mais moi je me suis dit pourquoi pas?», explique-t-elle. Un optimisme mesuré a été exprimé par un des responsables du bureau de vote de Hay Mouhammadi, un quartier très populaire. «Il y a une meilleure participation des jeunes et des retraités», a-t-il assuré. «Y compris des vieilles femmes, ce qui est une surprise».