Le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a annoncé vendredi une réforme du droit d'asile qui, selon lui, est «détourné à des fins d'immigration économique», lors d'une conférence de presse. «Notre système d'asile est en danger parce que le dispositif est utilisé pour pénétrer et se maintenir dans notre pays», a déploré le ministre, selon lequel la demande va augmenter à 60.000 dossiers en 2011 contre 52.762 en 2010 et 47.686 en 2009. Selon M. Guéant, cette hausse «repose sur des demandes infondées de plus en plus nombreuses». La France est la deuxième destination des demandeurs d'asile dans le monde après les Etats-Unis, et la première en Europe, devant l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni. Conséquences de cette hausse: l'allongement des délais de traitement des demandes (19 mois et 12 jours en 2010 contre 16 mois et 15 jours en 2010), une saturation du dispositif d'hébergement conduisant à une occupation des structures dédiées aux sans-abri pendant l'hiver et une hausse du budget. Pour freiner la demande d'asile, M. Guéant veut notamment durcir les conditions d'accès à la procédure, en imposant un délai pour le dépôt de la demande d'asile, élargir la liste des «pays d'origine sûrs» et réduire le budget de l'asile (523 millions d'euros en 2011). Selon le droit européen, une personne souhaitant un statut de réfugié doit en faire la demande «dans les meilleurs délais raisonnables» après son entrée sur le territoire où elle veut rester. «Je retiens, quant à moi, le seuil de 90 jours», a proposé M. Guéant après avoir cité le cas de la Grande-Bretagne qui le limite à trois jours. «Ce délai (de trois mois) est cohérent avec la durée de visa de court séjour», a plaidé le ministre. Au-delà, le «demandeur tardif» n'est plus assuré d'être hébergé dans les structures dédiées, avertit M. Guéant qui va aussi proposer au Parlement une suspension des prestations sociales accordées aux «demandeurs qui fraudent ou ne coopèrent pas loyalement ave l'administration». Preuve que les procédures sont détournées selon le ministre, certains étrangers ne demandent l'asile que lorsqu'ils se retrouvent en rétention, menacés d'être expulsés pour séjour irrégulier. Dans tous les cas, les personnes définitivement déboutées «doivent quitter la France». En cinq ans, de 2006 à 2010, plus de 100.000 étrangers se sont vus refuser le statut de réfugié. Une partie d'entre eux, notamment les familles avec des enfants mineurs, ont rejoint les cohortes des sans papiers. Désormais, une «aide au retour volontaire» comprenant les frais de voyage et un pécule leur sera systématiquement proposée. Autre piste: étendre la liste des «pays d'origine sûrs» à l'Arménie, la Moldavie, le Monténégro et le Bangladesh, «première nationalité de demande d'asile alors que la situation du pays a évolué et ne le justifie pas». Un pays est considéré comme «sûr» s'il veille au «respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales». L'organisation Amnesty International s'est dite vendredi «préoccupée» par cette réforme et a dénoncé «le recours à la rhétorique de la fraude généralisée comme réponse aux besoins de protection des demandeurs d'asile.»