«L'artiste a le droit de se revendiquer travailleur» (recommandation de l'Unesco) «Le projet tel que préparé par le ministère de la Culture condamne plus qu'il ne sert l'artiste algérien», disent les animateurs du point de presse organisé hier au siège de la Centrale syndicale Ugta. Ils affirment que l'objectif de leur instance future est de «réunir tous les artistes et non une catégorie restreinte et spécialisée». Ainsi, le comité préparatoire du Syndicat national des artistes algériens, formé, provisoirement d'un noyau d'artistes, vient de faire lecture de la déclaration d'Alger. Celle-ci, véritable plate-forme de revendication rédigée par le comité préparatoire, affirme, dans ses grandes lignes, que «la qualité de travailleur culturel, reconnue à l'artiste, ne doit porter aucune atteinte à sa liberté de création, d'expression et de communication et doit, au contraire, lui assurer sa dignité et son intégrité. (...) Nous sommes en plein accord avec le principe en vertu duquel, dans chaque pays, au moins 1% du montant global annuel des ressources publiques devrait être consenti aux activités de création, d'expression et de diffusion artistiques (...)» Dans ce contexte économique, l'artiste doit percevoir une rémunération digne pour l'exercice de sa profession. «Nous affirmons que l'artiste, travailleur culturel doit bénéficier en conséquence de tous les avantages juridiques, sociaux et économiques afférents à la condition de travailleur, compte tenu des particularités qui peuvent s'attacher à sa condition d'artiste». «Il importe en particulier que le développement des organisations professionnelles indépendantes soit encouragé et que des mécanismes de concertation soient mis en place, là où il n'en existe pas encore. Il est souhaitable que la structure professionnelle nouvellement créée, afin d'en garantir l'efficacité, soit adossée à une structure représentative existante. Il lui sera reconnu le droit à la négociation collective pour l'ensemble des professionnels ainsi que celui d'être associée au processus de décision de toute nature affectant leurs intérêts. Dans ce contexte, il est indispensable que le marché du travail soit structuré et que chacun des partenaires économiques prenne toute sa place dans cet équilibre.» Après la lecture de ce manifeste, Aït Ali Rachid, représentant l'Ugta, a donné toutes les assurances à la presse présente à l'occasion, en affirmant que son instance n'a aucune intention d'accaparer le projet des artistes et que ces derniers peuvent désormais s'organiser comme ils l'entendent. Or il a rappelé que l'idée de syndicat des artistes a d'abord germé en France. «Ce sont les artistes qui ont fait appel à l'Ugta au congrès de la CGT en France où ils ont émis le voeu de bénéficier du capital expérience de notre organisation», a-t-il fait savoir. Non sans ajouter que le sérieux de l'intention n'est plus à démontrer puisque, selon lui, la concertation dans ce sens a pris deux jours, durée du congrès CGT qui a eu lieu les 27 et 28 avril dernier. Les artistes signataires de la déclaration d'Alger comptent concrétiser leur dessein, c'est-à-dire la création d'un syndicat représentatif d'ici à la fin de l'année en cours. Ce à quoi Aït Ali rétorque: «C'est très difficile de rassembler les artistes, tellement ils sont insaisissables dans notre pays», alors que les travailleurs de la culture et des arts comptent réellement rassembler cette fois au sein de la même égide quelque 30.000 artistes structurés, en attendant de rallier toutes les autres entités éparses aux quatre coins du pays. D'ores et déjà, l'on évoque l'ébauche d'une démarche fédératrice; cette dernière aurait déjà donné de très bons résultats à l'Est et à l'Ouest tandis que le Sud resterait encore à conquérir. Bien que la démarche puisse paraître équivoque en cette période préélectorale, il faut dire que le statut de l'artiste en Algérie a longtemps souffert des aléas de la politique et les rares manifestations d'intérêt à l'égard de cette frange créatrice de la société ont été le fait de personnalités politiques au caractère bien trempé et qui ont fait escale au ministère de la Culture. Aujourd'hui, les artistes algériens, même s'ils se battent pour un statut qui profitera plus à la nouvelle génération qu'à l'ancienne, veulent néanmoins s'assurer la couverture sociale de l'Etat duquel ils exigent pas moins de 3% du PIB à cette fin. «Sous d'autres cieux plus cléments, être artiste est un métier d'avenir, il vit décemment de son art. Il est respecté, adulé. Il est assuré. Il a des droits. Il a sa retraite. L'artiste algérien n'a point de statut: il n'est pas respecté, il n'a pas de retraite; beaucoup d'artistes de grand talent terminent leur vie dans la misère et le dénuement, victimes de l'inexistence de tout statut social et professionnel», lit-on dans la déclaration. Quoi qu'il en soit et depuis le 29 juin, date de l'assemblée générale des 300 artistes signataires de la plate forme, beaucoup de choses ont été réalisées en matière d'instauration d'espaces culturels où l'artiste peut s'exprimer, ce qui ne peut que rapprocher de l'émergence d'un espace légal et juridique de revendication des droits professionnels. En attendant, les artistes comptent tenir des portes ouvertes sur la culture algérienne entre le 30 août et le 4 septembre, qui seront autant de journées de concertation; ce sera au siège de la Centrale syndicale Ugta, sous l'égide de Abdelmadjid Sidi Saïd.