Il ne fait pas de doute que l'opposition à l'occupation est passée au surmultiplié avec les derniers attentats aussi meurtriers que spectaculaires. Vendredi, le lieu le plus saint du chiisme irakien, le Mausolée d'Ali était soufflé par une violente explosion criminelle. L'explosion a été telle que le corps du grand ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim n'a toujours pas été retrouvé dans le magma de cadavres s'amassant devant la mosquée de l'imam Ali. Le bilan de la tuerie est très lourd et s'établissait hier à 82 morts et plus de 230 blessés. Mais il est appelé à s'alourdir. L'ayatollah Baqer Al-Hakim, à l'évidence était directement visé, (il a fait l'objet lors de ces dernières années de huit tentatives d'assassinat) avait, peu auparavant dans le prêche du vendredi, durement condamné les partisans du président déchu, Saddam Hussein, et «leurs attaques contre les troupes américaines». Cependant, dans un pays où personne ne sait qui est qui, rien n'indique que l'attentat qui a provoqué la mort de l'ayatollah Al-Hakim, soit imputable aux partisans de l'ex-président alors qu'il y a des dizaines de groupes prêts à le revendiquer. Mais, jusqu'à hier, aucune revendication n'est parvenue à la presse. De fait, la police irakienne a annoncé, tard dans la soirée de vendredi, avoir arrêté, quelques heures après l'attentat, quatre suspects, des arabes - qui ne sont pas des Irakiens, indique la source policière - qui ont reconnu, affirme la même source, être les auteurs de l'opération contre le Mausolée d'Ali. Trois autres personnes faisant probablement partie de ce groupe sont toujours en fuite, indique cette source policière. Toutefois, l'identité et les qualités du groupe demeuraient, jusqu'à hier, ignorées. Sont-ils des partisans de Saddam Hussein, un groupe apparenté à l'organisation Al Qaîda, des membres de nombreux mouvements de résistance à l'occupation, qui se sont fait connaître ces derniers mois (par des actions plus ou moins violentes)? Aucun élément ou indice ne permet, en réalité d'imputer à l'un ou à l'autre de ces groupements la paternité de l'attentat de vendredi, autant que celle ayant visé le QG de l'ONU, revendiquée par deux groupes différents ou celle contre l'ambassade de Jordanie ou encore les actions ponctuelles conte les troupes américaines et britanniques. La seule certitude est que l'Irak s'installe profondément dans la violence, alors que les forces d'occupation de la coalition américano-britannique, ont été, jusqu'à présent, incapables de restaurer la sécurité dans ce pays livré au chaos. Durant le mois d'août, il y a eu une recrudescence des attaques meurtrières, des sabotages économiques et industriels, alors que les attentats les plus meurtriers contre l'ONU, qui a coûté la vie au représentant des Nations unies, Sergio Vieira de Mello, celui de vendredi contre le Mausolée d'Ali qui a induit la disparition de l'ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim, indiquent la détermination de la résistance en Irak à porter d'autres coups contre l'occupation et ceux qui la soutiennent. Cependant, il est par trop facile, comme le font les Etats-Unis, d'accuser ces actions de terroristes, ou de se cacher derrière le terrorisme, quand, c'est connu, toute occupation engendre une résistance, que les occupants ont vite fait de qualifier de terrorisme (cf: la situation dans les territoires palestiniens occupés et le s de l'armée israélienne contre le peuple palestinien). En fait, les Etats-Unis se trouvent dans une impasse, pour ne point dire qu'ils ont échoué autant à pacifier l'Irak qu'à sécuriser le pays, et semblent n'avoir d'autre alternatives si assurément ils travaillent - comme l'affirme l'administration Bush - à la reconstruction de l'Irak et au retour de ce pays dans le concert des nations, qu'à céder le pas devant les Nations unies, seules à même de mettre sur pied une force multinationale de sécurité et à aider concrètement les Irakiens à remettre leur pays sur les rails. Or, ce ne semble pas être les intentions de Washington lequel - s'il demande certainement la contribution de la communauté internationale au renforcement des troupes américano-britanniques d'occupation en Irak - n'est pas cependant prêt à s'effacer pour laisser l'ONU faire son travail, comme elle eu à le faire ailleurs pour remédier aux conflits qui déchirent ici et là le monde. Et pour cause! Toutefois, il y a le fait que les Etats-Unis ont occupé l'Irak dans la plus pure tradition coloniale et ne donnent pas l'impression d'être pressés de céder la main, ils ont seulement besoin, ils le disent, de l'aide de la communauté internationale, uniquement pour restaurer la sécurité, le pays demeurant sous leur contrôle pour une période indéterminée. L'Irak était hier toujours sous le choc de l'attentat qui a coûté la vie à l'ayatollah Mohamed Baqer Al-Kakim. A Téhéran, le représentant du Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak, (Csrii), Mohsen Hakim, estime que les partisans du président déchu Saddam Hussein se trouvaient «en haut de la liste de suspects» de l'attentat, affirmant cependant que les Etats-Unis, qui occupent l'Irak, demeurent «responsables» de la sécurité de ce pays, indiquant que «la pleine et entière responsabilité d'assurer la sécurité en Irak, selon les conventions internationales, repose sur les occupants». Certes, le président Bush a condamné vendredi, «fermement l'attentat (qui s'est produit) devant la mosquée de l'imam Ali», mais sans conviction. Le chef de l'administration américaine ne semblait pas mesurer à quel point le chaos s'installe peu à peu dans un pays que les troupes américaines avaient pour mission de pacifier et de sécuriser. A Téhéran, le guide iranien, Ali Khamenei a décrété un deuil de trois jours, tout en condamnant fermement l'attentat contre Al Hakim, alors que le gouvernement iranien dans un communiqué affirme que la «République islamique condamne cette action aveugle et en fait peser la faute directe sur les forces occupantes qui, selon la loi internationale sont responsables du maintien de la sécurité en Irak». C'est à peu de choses près, la position de la communauté internationale, qui demande en outre, avec plus d'insistance, le transfert du pouvoir aux Irakiens sous l'égide de l'ONU, établissant de manière indirecte l'échec de la coalition américano-britannique à faire revenir l'Irak aux normes internationales. Le nouvel ordre international américain n'a pas fini en fait de connaître des avanies et la puissance n'est pas toujours suffisante pour faire plier le monde au diktat des Etats-Unis.