En défendant sa liberté, la presse ne se veut en aucune façon un quatrième pouvoir mais bien un contre-pouvoir, un garde-fou pour les citoyens contre tous les abus de pouvoir et, plus que jamais, un «chien de garde» contre ce que l'on pourrait appeler le «cinquième pouvoir», celui des mafieux, des intégristes et des extrémistes de tous bords. Une vérité qui est loin d'être du goût de tout le monde au point où la presse est mise au banc des accusés à chaque fois qu'elle a osé dévoiler certaines vérités amères quant aux pratiques sévissant au niveau du sérail. Dans une société démocratique pluraliste, le rôle de la presse est d'informer les citoyens, de répondre à leur droit fondamental de savoir, de veiller en toute indépendance à la libre-circulation des informations et des idées. Elle doit avoir le droit de recueillir et de publier, sans entrave, informations et commentaires pour apporter au public les moyens de se forger une opinion. Mais, et, en dépit de nombreux textes et conventions internationales qui ont depuis longtemps conforté la liberté de la presse et la liberté d'expression, force est de constater que, même dans les Etats de droit, la préservation de ces libertés nécessite une vigilance de tous les instants. «Pourquoi acheter un journal quand on peut acheter un journaliste?». Cette citation de Bernard Tapie a priori anodine mais pleine de sens, résume à elle seule la nouvelle stratégie du pouvoir à vouloir museler la presse indépendante. Les entraves à la liberté de la presse ne sont cependant pas toujours aussi violentes et aussi évidentes. Par l'adoption d'un cadre légal particulièrement restrictif ou, au contraire par une dérégulation effrénée du paysage médiatique, l'Etat peut s'attaquer directement à la santé économique des entreprises de presse et, dès lors, mettre en péril l'expression pluraliste des opinions. C'est dans ce sens qu'à défaut de mettre sous sa coupe l'ensemble des journalistes et des quotidiens, le pouvoir a opté pour l'argument de commercialité. De là à accuser la presse, ou les moyens d'information, de fabriquer les scandales, il n' y a qu'un entrefilet. N'est-il pas du devoir du journaliste de dévoiler la vérité afin de contribuer à l'assainissement de la société? Questionné au cours de l'émission «Presse: des clichés sans contraintes», sur la faisabilité de publier des photos en France, d'une jeune femme et de ses deux enfants, leurs visages en sang, tous trois blessés et choqués par l'explosion de l'usine A.Z.F. de Toulouse, Alain Génestar, Directeur général de Paris-Match, n'avait pas hésité à déclarer «Oui. En dépit de la loi qui l'interdit au nom d'une prétendue protection des citoyens. Car l'obscénité n'est pas dans la représentation de l'horreur mais dans le laxisme et l'incompétence de l'administration, ce monstre anonyme, qui, malgré les cris d'alarme, les exemples étrangers et la simple évidence, a laissé s'écrire ce scénario de l'horreur, jusqu'à son dénouement dramatique - mais prévisible - ce vendredi 21 septembre 2001» avant d'ajouter: «Montrer c'est informer et dénoncer une tragédie qui, jamais, n'aurait dû se produire». De fait, le problème n'est pas propre à la presse nationale et il se trouve que les humeurs peuvent se manifester dans un pays aussi ouvert que la France. Aussi, la suspension des six titres peut-être mise sur le compte defaux procès qui n'ajoutent pas grand-chose à une liberté d'expression déjà étroitement surveillée.