Un auteur heureux au milieu de ses lecteurs «Souvent, la vérité est du côté du lecteur. Ce dernier a toujours raison», lâche l'auteur de Le Café de Gide. Il a dix-neuf ans, mais il lit des livres. Ce jeune étudiant en chimie a découvert, par hasard, le dernier ouvrage de Hamid Grine, un recueil de nouvelles, intitulé «La vie sur la pointe des pieds». Il ne connaissait pas cet écrivain ni d'ailleurs les autres auteurs algériens. Ce grand lecteur est plus porté sur les écrivains occidentaux. Mais en lisant la quatrième de couverture du livre de Grine, il a été épaté. Et pour la deuxième fois, le hasard a fait bien les choses et a souri à ce jeune homme puisqu'au moment où il a terminé la lecture de la troisième nouvelle du livre, il découvre dans la presse que Hamid Grine devait être à la librairie Cheikh Omar de Tizi Ouzou avant-hier, samedi. Un rendez-vous qu'il n'a pas voulu rater. En arrivant à la librairie Cheikh, au beau milieu de la séance de vente-dédicace, il discute avec l'auteur sur le contenu des nouvelles qu'il a déjà lues. Une discussion qui a duré longtemps car Hamid Grine voulait avoir l'écho d'un jeune lecteur qui n'a pas encore bouclé la vingtaine. C'était l'occasion pour Hamid Grine de rappeler qu'il pense beaucoup à ses lecteurs en écrivant. «Souvent, la vérité est du côté du lecteur. Ce dernier a toujours raison», lâche Hamid Grine. Puis, un journaliste de la toute nouvelle chaîne de radio Tizi Ouzou s'accapare du romancier pendant un bon bout de temps. Hamid répond à la série de questions avec une éloquence qui fera réagir notre confrère S.Hammoum qui dira à l'invité de Tizi Ouzou: «Vous êtes un très bon orateur.» Hamid Grine parle pourtant spontanément. Il dit et dénonce quand il faut le faire mais lorsqu'il s'agit de reconnaître les choses positives, il ne s'en prive pas. Concernant Camus par exemple, il encense sa grandeur d'écrivain mais récuse ses positions politiques. Loin d'avoir une vision manichéenne des situations, Hamid Grine sait faire la part des choses. Il reconnaît par exemple qu'un écrivain peut être victime ou prisonnier de certaines frustrations lorsqu'il n'est pas apprécié à sa juste valeur. Mais il avoue aussi l'importance du lectorat. Ce dernier reste, à ses yeux, l'unique et le principal baromètre. L'auteur de «Parfum d'absinthe» qui vient dédicacer ses livres à Tizi Ouzou pour la huitième fois, souligne que quand un écrivain est de bonne foi, il trouve toujours des lecteurs. Le fait que les auteurs algériens soient méprisés par les universitaires est déploré par Hamid Grine dont les romans font l'objet de trois thèses de doctorat actuellement en Algérie. Hamid Grine réfute la thèse selon laquelle l'écriture n'est que divertissement. L'écrivain a trois missions, estime-t-il. Il doit être le porte-parole des sans-voix. Il doit être un éveilleur puis une sorte de dénonciateur de tout ce qui ne marche pas. Pour Grine, l'écrivain n'a pas de limites en dehors de l'art. Mais quelles que soient les positions qu'il défend, l'écrivain doit les assumer devant l'Histoire. Hamid Grine nuance avec insistance: «Dénonciation et non pas militantisme car la dénonciation est constructive mais le militantisme est une sorte d'embrigadement.» Quant à son prochain roman, Hamid Grine annonce qu'il est écrit à 90%. Il s'agira cette fois-ci d'un retour romancé sur le massacre de Bentalha. L'histoire est vraie. Elle raconte les stigmates de ce qui s'est passé. Le récit parle du destin d'une femme éplorée. L'histoire évoque aussi l'attitude d'un médecin et de son autisme lors des événements douloureux qu'a vécus l'Algérie durant la tragédie nationale. Même si Hamid Grine nous en a dit plus, on n'en dira pas plus pour laisser le lecteur découvrir en temps opportun la trame de ce roman.