Au moment où l'Irak observe une sérieuse dégradation de sa situation sécuritaire, un gouvernement provisoire est nommé à Bagdad. Plusieurs semaines de réflexion ont été nécessaires au Conseil transitoire irakien pour nommer un gouvernement provisoire de vingt-cinq membres, chargé de gérer le pays jusqu'aux élections générales de 2004. Toutefois, la nomination de cette autorité sera-t-elle suffisante pour donner au pays de se remettre au travail après près de cinq ans d'immobilisme et d'incertitudes? Rien de moins sûr en fait, d'autant plus que ce gouvernement provisoire, certes attendu, ne dispose pas en fait de véritable pouvoir dans la mesure où, indique-t-on, chacun des 25 «ministres» sera assisté par un «conseiller» de la coalition américano-britannique. La question qui se pose dès lors est bien de savoir qui est le vrai décideur, l'Irakien ou le représentant de la coalition? Outre cela, le gouvernement irakien annoncé lundi, par le Conseil transitoire, n'a pas été doté d'un premier responsable (Premier ministre ou chef du gouvernement), ce qui laisse supposer que son autonomie n'est qu'apparente, la réalité du pouvoir relevant encore de l'administrateur américain Paul Bremer. Ce qui fait également douter de l'efficacité de ce gouvernement c'est sa composante humaine basée sur l'appartenance religieuse et ethnique, la même de fait ayant présidé à la formation du Conseil transitoire. Ainsi, le gouvernement provisoire regroupe des ministres chiites, au nombre de 13, sunnites 5, kurdes 5 et un chrétien et un Turcoman. Répartition qui est la même que celle du Conseil transitoire doté en outre d'une présidence tournante, assurée pour le mois en cours par Ahmed Chalabi, président du Conseil national irakien (CNI). Cette présidence tournante qui voit chaque mois l'un des douze de ses plus importants membres, parmi les 25, assurer la présidence durant un mois est surtout indicative du peu de poids d'une institution régie par les règles ethniques et religieuses. C'est dire la fragilité de l'édifice mis en place par l'administration américaine qui lui permet en fait de garder en main la réalité du pouvoir et l'ensemble du fonctionnement d'un pays soumis à une occupation en règle. Le gouvernement provisoire demeurera en fonction jusqu'à l'organisation des élections prévues en 2004, rappelle-t-on. Au plan sécuritaire la situation demeure précaire et beaucoup d'attaques ont été signalées ces derniers jours contre des soldats américains et britanniques, au moment même où le président déchu, Saddam Hussein, se faisait de nouveau entendre dans deux messages qui lui sont attribués diffusés lundi par les chaînes satellitaires qatarie, Al Jazira, et libanaise, LBCI. Dans le premier message, Saddam Hussein nie toute responsabilité de son mouvement dans l'attentat qui coûta, vendredi dernier, la vie à l'ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim, mais appelait en revanche, dans le second message, les Irakiens à intensifier les «coups douloureux que vous portez avec courage contre les agresseurs étrangers d'où qu'ils viennent et de quelque nationalité qu'ils soient». Ces deux messages n'ont pu être authentifiés, mais cela indique à tout le moins que l'ancien président en cavale est toujours en vie. L'ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim devait être enseveli hier à Najef après que ses restes aient été montrés successivement à Kerbala, lundi, et Koufa, hier, les deux autres villes saintes chiites avec Najaf. Des centaines de milliers de chiites irakiens, des dizaines de milliers d'autres venus d'Iran, ont rendu lundi et hier hommage à l'ayatollah Al-Hakim. Dans l'affaire de l'assassinat d'Al-Hakim, la police irakienne, qui a fait appel au FBI américain, confirme détenir six suspects arabes, dont deux Saoudiens. Le responsable de l'enquête a ainsi indiqué aux journalistes que son département avait «(...) arrêté deux Saoudiens et quatre Irakiens directement liés à l'attentat» précisant qu'«il y avait eu beaucoup d'arrestations, mais ceux-là (les six) sont directement liés à l'attentat», Sceptiques, les Saoudiens ont demandé des «preuves» attestant la participation de Saoudiens dans l'attentat de vendredi. Alors que la situation reste assez confuse, la police de Koufa, au sud de Bagdad, a annoncé lundi la découverte de deux voitures bourrées d'explosifs. De fait ce n'est pas la première fois que de telles découvertes sont faites, comme le camion chargé d'explosifs découvert, au début du mois d'août, quelques jours avant l'attentat au camion piégé contre l'ambassade de Jordanie à Bagdad. C'est dire que l'Irak semble contenir un véritable arsenal, qui fait que les quelques découvertes faites ici et là, par les forces de sécurité, n'ont pas, ou pu, empêché les attentats contre le QG de l'ONU, l'ambassade jordanienne ou encore le dernier en date contre le Mausolée d'Ali à Najaf. Alors que la coalition éprouve les pires difficultés à sécuriser l'Irak, la communauté internationale demeure ferme dans son exigence d'une force multinationale sous l'égide des Nations unies unique alternative à l'occupation américano-britannique et à même de restaurer l'ordre et la sécurité. Ainsi, beaucoup de pays se disent disposés à participer à la reconstruction et à la sécurisation de l'Irak, mais insistent-ils, cela ne peut se faire que sous l'autorité de l'ONU et par un mandat et une «résolution claire» du Conseil de sécurité. Cependant, quoiqu'ils s'embourbent de plus en plus en Irak, les Etats-Unis ne donnent pas l'impression d'être prêts à céder à l'ONU la suite de la remise à niveau de l'Irak.