Comme prévu, le Conseil de sécurité a adopté tard dans la soirée de mardi la résolution 1546 sur l'Irak. Votée à l'unanimité par les quinze membres du Conseil de sécurité, dans la soirée de mardi, la nouvelle résolution sur l'Irak, qui porte le numéro 1546, si elle satisfait quelque peu les principaux acteurs de l'affaire irakienne, n'en contient pas moins quelque zones d'ombre, notamment dans le domaine de la sécurité, où les prérogatives du commandement militaire américain demeureront prépondérantes. En effet, quoique ayant assoupli sa position, Washington est demeuré inflexible quant à l'octroi d'un veto sur la question du gouvernement intérimaire irakien, auquel sera transféré, le 30 juin prochain la souveraineté de l'Irak. Une souveraineté à tout le moins limitée dans la mesure où les Irakiens n'auront pas toutes les prérogatives qu'ils avaient souhaité avoir, même s'il est vrai que dans l'état actuel de la situation sécuritaire le gouvernement intérimaire ne semble pas, en effet, avoir les moyens de sa politique. Et le recours à la force multinationale restera donc, jusqu'à nouvel ordre, le palliatif le mieux disant pour Bagdad, pour d'une part, contenir la montée des périls et d'autre part, rétablir un tant soit peu la sécurité et l'ordre dans le pays. De fait, la résolution note «que c'est à la demande du nouveau gouvernement intérimaire de l'Irak que la force multinationale est présente dans le pays». Dans la foulée de cette demande, la résolution décide que «la force multinationale est habilitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité de l'Irak, conformément aux lettres qui figurent en annexe à la présente résolution et où se trouve notamment la demande de l'Irak tendant au maintien de la présence de la force multinationale et la définition des tâches de celle-ci (...)» On remarque que la résolution insiste lourdement sur le fait que le «maintien» d'une force multinationale - en fait, les troupes américaines constituent 85% de cette force multinationale - est prorogé à la demande de l'Irak, ajoutant, le Conseil de sécurité décide que «le mandat de la force multinationale sera réexaminé à la demande du gouvernement de l'Irak ou 12 mois après la date de l'adoption de la présente résolution, et que ce mandat expirera lorsque le processus politique sera terminé» La résolution réaffirme par ailleurs le rôle qu'auront à assumer, à la demande du gouvernement irakien, l'émissaire spécial de l'ONU et la Mission d'assistance des Nations unies pour l'Irak, dans la mise en place du processus électoral, la promotion du dialogue et «la recherche d'un consensus au niveau national à l'occasion de l'élaboration d'une Constitution nationale par le peuple irakien». Notons que la résolution ne fait aucune mention de la Constitution provisoire irakienne (adoptée en août dernier par le Conseil transitoire dissous qui faisait la part belle aux Kurdes en leur accordant l'autonomie) comme le demandaient avec insistance les deux leaders kurdes, Massoud Barzani et Jallal Talabani. La Constitution de l'été dernier a d'ailleurs été catégoriquement rejetée par les chiites et singulièrement par l'influent ayatollah, Ali Al Sistani. L'adoption par le Conseil de sécurité de la nouvelle résolution sur l'Irak constitue sans doute une étape importante pour le futur de ce pays, mais l'avenir de l'Irak reste néanmoins lié aux progrès qui seront réalisés dans la reprise du contrôle du pays par les autorités intérimaires pour, à tout le moins, assurer un retour à la sécurité et à la protection de la population. Au siège de l'ONU, c'était certes l'euphorie après la conclusion positive des négociations entre les membres du Conseil de sécurité et l'adoption de la résolution 1546 sur l'Irak, euphorie tempérée cependant par la spirale de violence qui s'est emparée de l'Irak ces derniers jours, notamment mardi où les attentats de Mossoul et Baaqouba ont occasionné de nombreux morts et blessés. Quoique la journée d'hier a été plus calme, il n'en reste pas moins qu'il y eut des accrochages et au moins deux Irakiens ont été tués par la bombe qu'ils tentaient d'actionner à Bagdad. En fait, les problèmes qui attendent le gouvernement intérimaire irakien, à partir du 1er juillet prochain, après la cessation d'existence de l'autorité provisoire de la coalition, CPA, sont sérieux et demanderont beaucoup de volonté à des hommes qui ambitionnent de redonner à l'Irak sa place dans le concert des nations. Cela va être très difficile, d'autant plus que le gouvernement aura beaucoup de problèmes à résoudre comme établir les listes électorales, mettre au point la nouvelle Constitution, et évidemment rétablir la sécurité et l'ordre. Tout cela est loin d'être une sinécure et le gouvernement intérimaire irakien devra chaque jour démontrer sa capacité à gérer un pays où les antagonismes ethniques ont ressurgi.