La coalition a présenté hier au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution sur l'Irak. Le début de semaine a été sanglant en Irak ponctué par des combats à Koufa, des confrontations à Sadr City (Bagdad), alors qu'une voiture piégée explosait non loin du QG de la coalition à Bagdad, quatre cinémas étaient pulvérisés par une explosion à Mossoul (Nord). Ainsi en vingt-quatre heures une soixantaine de morts ont été comptabilisés dans ces divers accrochages et opérations militaires. En revanche, Kerbala, où la vie renaissait, a vécu son troisième jour de calme depuis le retrait des miliciens de Moqtada Sadr et les marines américains. En fait, la difficulté pour la coalition américano-britannique est son incapacité d'établir la sécurité sur l'ensemble du pays dans la mesure où, si le feu est éteint quelque part, il se rallume immédiatement ailleurs. Cela a été vérifié avec Falloujah quand les combats qui y sévissaient ont été transférés à Kerbala et maintenant de cette dernière à Koufa. C'est un peu un cercle infernal dans lequel se sont enferrés les GI's et marines américains, avec ce turn-over sanglant. Alors qu'au plan sécuritaire la situation demeure très instable, aux plans politique et diplomatique on s'affairait à redynamiser le processus de transfert de souveraineté aux Irakiens à la date prévue du 30 juin. C'est ainsi que la coalition américano-britannique devait déposer hier devant le Conseil de sécurité de l'ONU un avant-projet de résolution sur l'Irak. Selon l'ambassadeur allemand à l'ONU, Gunter Pleuger, le nouveau projet de résolution américano-britannique sur l'Irak présenté lundi devant le Conseil de sécurité prévoit un mandat d'un an pour les troupes étrangères une fois le transfert de souveraineté réalisé le 30 juin. «Le mandat couvrira un an et alors une révision sera faite, où elle sera même faite avant, à la demande du gouvernement intérimaire», a ajouté le diplomate allemand à la presse Par ailleurs, hier en soirée, était attendu le discours que devait donner le président américain, George W.Bush, lequel axera sans doute son propos sur la politique que les Etats-Unis envisagent pour une sortie de crise en Irak. En tout état de cause les déclarations des proches de l'administration Bush demeuraient vagues et sans consistance sur le projet de résolution, ce qui laissait libre cours à toutes les hypothèses. Alors que les regards étaient tournés vers la Maison-Blanche, à Bagdad on s'agite dans la perspective du partage du pouvoir. C'est ainsi que le nouveau chef du Conseil transitoire irakien, Ghazi Ajil Al-Yaouar, qui a remplacé Ezzedine Salim, tué la semaine dernière dans un attentat, «exige» d'ores et déjà une «pleine souveraineté» le 30 juin, n'écartant pas la possibilité qu'il soit promu premier président irakien post-occupation. Aussi, dans un entretien au quotidien arabe londonien Asharq Al-Awsat, M Al-Yaouar affirme-t-il : «Nous n'accepterons pas moins d'une pleine souveraineté (...) pour le futur gouvernement transitoire» indiquant qu'une nouvelle résolution de l'ONU doit «abroger la résolution 1483» qui constate le fait que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont les puissances «occupantes» de l'Irak. De fait, l'émissaire spécial de l'ONU, Lakhdar Brahimi, qui se trouve depuis une quinzaine de jours à Bagdad avait déjà émis des doutes sur la conservation de l'Exécutif actuel. M.Brahimi qui poursuit ses consultations à Bagdad en vue de la mise sur pied d'un exécutif provisoire devant prendre en charge la mise en oeuvre du futur Irak, avait déjà formulé comme une nécessité la non-reconduction de l'actuel Conseil transitoire nommé par la coalition. Position largement partagée, notamment, par l'administration Bush qui admet le peu d'efficacité du «gouvernement» provisoire installé à la hussarde au lendemain de la chute de Bagdad. De fait, les démêlées où se trouve plongé Ahmed Chalabi, l'un des «hommes forts» du Conseil transitoire irakien, atteste du peu de crédit entourant un Exécutif qui a totalement échoué à rendre l'espoir au peuple irakien. D'ailleurs, M.Chalabi, ancien protégé du Pentagone, outre d'être accusé d'avoir livré des informations secrètes à l'Iran est aussi soupçonné d'avoir induit en erreur l'administration américaine en lui donnant de fausses informations sur les armes de destruction massive irakiennes (ADM) dont aucune trace n'a été trouvée jusqu'ici. De fait, si le double jeu de Chalabi se vérifie, cela montrera combien les Etats-Unis se sont laissés manipuler et manoeuvrer par une fausse opposition irakienne, dont l'un des meneurs, Ahmed Chalabi, recherché en Jordanie pour crime économique, s'avère être un vrai escroc. Certes, Washington avait de longue date cherché à voir comment se débarrasser de Saddam Hussein. Aussi l'accusation selon laquelle l'Irak entretenait un arsenal d'armes de destruction massive justifiait-elle, aux yeux de Washington, toutes les entorses au droit international et l'occupation d'un pays? Une occupation qui donna, parallèlement, aux Etats-Unis de faire main basse sur le pétrole irakien. D'une pierre deux coups, mais le retour de bâton commence à se faire sentir et les Américains craignent de plus en plus une réédition en Irak du bourbier vietnamien.