Le parti islamiste tunisien Ennahda a jugé samedi «irresponsable» et «irrationnel » l'appel lancé par le vice-Premier ministre israélien Sylvan Shalom aux Juifs de Tunisie à venir s'établir en Israël, affirmant qu'ils sont des citoyens tunisiens à part entière. «La Tunisie reste, aujourd'hui et demain, un Etat démocratique qui respecte ses citoyens et veille sur eux quelle que soit leur religion», affirme Ennahda, ajoutant que «les membres de la communauté juive en Tunisie sont des citoyens jouissant de la plénitude de leurs droits et de leurs devoirs». Jugeant l'appel de M. Shalom «irresponsable» et «irrationnel», Ennahda - qui va diriger le prochain gouvernement - a estimé que «tenir ce genre de propos en ce moment précis est fort suspect». Sylvan Shalom avait appelé mercredi les Juifs vivant en Tunisie à «venir s'installer en Israël», lors d'une cérémonie à Jérusalem à la mémoire des Juifs tunisiens victimes de la Shoah. «J'appelle les Juifs vivant en Tunisie à venir s'installer en Israël le plus rapidement possible», avait dit M. Shalom, natif de Tunisie, où vivent quelque 1.500 Juifs, en majorité sur l'île de Djerba. Le président de la communauté juive de Tunisie, l'homme d'affaires Roger Bismuth, a lui aussi rejeté la déclaration de Sylvan Shalom comme une tentative de saper le processus engagé par la Tunisie. «Aucune partie étrangère n'a le droit de s'ingérer dans les affaires de la Tunisie, y compris les affaires de la communauté juive établie dans ce pays depuis plus de trois mille ans», a déclaré M. Bismuth, cité par l'agence TAP. «La communauté juive aime la Tunisie et n'envisage pas de la quitter», a ajouté M. Bismuth, qui a rencontré les dirigeants d'Ennahda au lendemain de leur victoire à l'élection du 23 octobre. «J'ai évoqué avec des dirigeants d'Ennahda la situation de la communauté juive en Tunisie qui reste une partie intégrante du peuple tunisien loin de toute forme de discrimination ethnique ou religieuse», a-t-il dit. Sylvan Shalom s'était rendu en Tunisie en 2005 alors qu'il était ministre des Affaires étrangères, à l'invitation du président Zine El Abidine Ben Ali. Celui-ci s'est enfui le 14 janvier dernier en Arabie saoudite à l'issue d'un mouvement de contestation sans précédent après 23 ans de dictature. Depuis 2008, les rescapés de la Shoah en Tunisie peuvent réclamer des indemnités en Israël, comme les survivants originaires d'Europe.