Dangereuse dégradation de la situation au Proche-Orient aggravée par la crise politique palestinienne et par les assassinats ciblés israéliens Arafat continuait hier ses consultations et n'a pas, formellement, accepté la démission de Mahmoud Abbas. Selon des sources palestiniennes, le président Arafat, en consultation avec le Parlement, étudierait plusieurs options dont celle préconisant la reconduction du Premier ministre démissionnaire, demeure la plus possible, voire la plus probable. Aussi, Mahmoud Abbas peut-être amené à succéder à lui même et chargé de former un nouveau gouvernement. De fait, eu égard à la situation prévalant dans la région et au vu du soutien, ostentatoire, réitéré par la Maison-Blanche à M.Abbas, il était évident pour Yasser Arafat, dans l'optique où il tenait à ne pas envenimer davantage une situation déjà suffisamment conflictuelle, les choix qui s'offraient à lui étaient limités. En effet, quoique ne se faisant plus d'illusion quant à la portée de la feuille de route, le président de l'Autorité palestinienne savait également que le conflit l'opposant à M.Abbas, de nature éminemment stratégique, pouvait mener les Palestiniens à une impasse dont les conséquences seraient de fragiliser davantage la résistance palestinienne. Dès lors, M.Abbas, quasiment imposé au président Arafat par les Américains, suite aux fortes pressions qu'il a subies de Washington au début de l'année, se présente comme le grain de sable dans le contexte proche-oriental ou encore, selon d'aucuns, un cheval de Troie qui met à mal la cohésion palestinienne. Aussi, le contrôle des services de sécurité palestiniens, globalement sous la férule du président Arafat, constituait un handicap important pour le Premier ministre, Mahmoud Abbas, également ministre de l'Intérieur, auquel échappait l'essentiel du service de sécurité. Des services que les Etats-Unis et Israël veulent voir diriger contre les mouvements de résistance et les militants palestiniens. En fait, Israël qui poursuit les assassinats ciblés, comme la tentative samedi, de tuer le chef spirituel de Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, entendait faire des services de la police palestinienne, qui ont été l'une des cibles de l'armée israélienne depuis le début de l'Intifada, un service auxiliaire de l'armée d'occupation dont la mission essentielle serait de pourchasser, de désarmer les résistants et de démanteler les mouvements de résistance. Conditions posées par Israël et les Etats-Unis pour la mise en application de la «feuille de route». Toute chose ne pouvant s'accomplir, laisse-t-on entendre du côté de Washington et de Tel-Aviv, qu'une fois tous les services de sécurité mis sous le contrôle de Mahmoud Abbas, apparemment plus enclin à passer par les desiderata américano-israéliennes. Aussi, c'est l'utilisation même de ces services qui est au centre du conflit de compétence entre Yasser Arafat et Mahmoud Abbas, conflit qui a abouti samedi à la démission du Premier ministre. De fait, cette démission est estimée par les analystes comme un renoncement tactique de la part de M.Abbas dans l'optique d'amener le président palestinien à céder sur ses dernières prérogatives, lui permettant de préserver un tant soit peu, le peu d'espace qui reste aux Palestiniens d'exprimer leur refus de l'oppression. Or, au moment où d'incroyables pressions sont faites sur la direction palestinienne pour qu'elle cède face à Israël, l'Etat hébreu en revanche, n'a pas changé d'un iota sa politique irrédentiste, l'armée israélienne réoccupant toutes les villes palestiniennes autonomes, accentuant l'implantation des colonies de peuplement en Cisjordanie, fractionnant les territoires occupés par la construction d'un «mur de sécurité», tout en poursuivant les assassinats ciblés comme celui qui a visé samedi, le cheikh Ahmed Yassine, fondateur et chef spirituel du mouvement Hamas. La communauté internationale n'a jamais condamné explicitement ces meurtres que la Charte de l'ONU assimile à des crimes contre l'humanité, ce qui encouragea Israël à persister dans ces crimes à grande échelle des dirigeants et responsables palestiniens. En réalité, si la «feuille de route», le plan de paix du quartette, (ONU, UE, USA et Russie), est aujourd'hui bonne à jeter aux orties, c'est bien du fait de s répétées par l'armée israélienne d'occupation qui a mis à profit la trêve, décrétée le 29 juin par cinq mouvements de résistance palestiniens, pour s'investir dans la «liquidation», c'est le terme même employé par les dirigeants israéliens, des responsables politiques et militaires des mouvements palestiniens, à l'instar de Abdelaziz Al-Rantissi, l'un des dirigeants politiques du Hamas, qui échappa de peu à la mort, au moment où des chefs militaires des mouvements Hamas et Jihad islamique tombaient sous les tirs d'hélicoptères de combat israéliens. Aussi, la feuille de route censée ouvrir la voie à l'établissement des bases de la paix dans le Proche-Orient, donnait de plus en plus l'impression d'être plutôt destinée à briser la résistance palestinienne, quand Israël, juge et partie, continue comme par le passé à assassiner les Palestiniens, à démanteler leur territoire mutilé par l'implantation de centaines de colonies juives de peuplement. En fait il y avait du vrai dans l'affirmation du président Arafat, qui déclarait mercredi dernier dans un entretien à Cnn, que la «feuille de route» est «morte». La démission de Abbas, lui a en fait, donné le coup de grâce, ce qui fait que même dans l'optique de la reconduction du Premier ministre démissionnaire, outre le fait que les raisons de sa démission demeurent entières, Abou Mazen en sortira considérablement affaibli pour n'avoir pas réussi à faire plier Arafat et que la réalité de son pouvoir dépend encore d'Abou Ammar, seul détenteur de la légitimité palestinienne en tant que président élu. Le président américain, George W.Bush, qui n'a rien fait pour donner à la «feuille de route» d'être appliquée de manière équilibrée en incitant les Israéliens, autant qu'il le fait avec les Palestiniens, de respecter l'esprit et la lettre du plan de paix, porte en grande partie la responsabilité de la dégradation de la situation dans les territoires occupés. Aussi, la crise entre MM.Abbas et Arafat reste la conséquence la plus visible du parti pris américain pour l'Etat hébreu qui a rendu caduc un plan de paix, dont seule la partie palestinienne semblait tenue à l'appliquer alors qu'Israël n'en retenait justement que les articles applicables aux Palestiniens. A l'évidence, cela ne pouvait réussir.