Bien qu'attendue, en raison du différend l'opposant depuis plusieurs semaines à Yasser Arafat, la démission du premier ministre palestinien aura eu l'effet d'une véritable bombe dans la région. Le processus de paix risque de prendre un sacré coup si la crise palestinienne ne trouve pas une solution rapide, qui agrée les pays engagés dans la mise en œuvre de la feuille de route, notamment les Etats-Unis. Yasser Arafat est dans une situation peu enviable. Devant les réactions provoquées par la démission de Abou Mazen, particulièrement en Occident où ce dernier est apprécié, le président de l'Autorité palestinienne a pris le soin de ne pas réagir à chaud. En vieux routier de la politique, le leader de l'OLP n'exclut aucune possibilité, y compris celle de reconduire Mahmoud Abbas pour former un nouveau un gouvernement, selon ses proches. Cette possibilité est fort probable, car elle émane d'un des hommes de confiance de Arafat, à savoir Saeb Erekat. Il n'en demeure pas moins que cette éventualité a peu de chances d'être concrétisée, parce qu'elle ne résout pas le différend entre les deux hommes, et le premier ministre est peu enclin à renouveler l'expérience à la tête du gouvernement dans les mêmes conditions. Il y a lieu de signaler que pour Arafat le départ définitif de Mahmoud Abbas n'est envisagé qu'en dernière option, car il constituera inévitablement un coup d'arrêt à “la feuille de route”. Cette hypothèse est confirmée par le principal négociateur palestinien, Saeb Erekat, qui n'évoque cette possibilité qu'en cinquième position. “L'option numéro un est d'accepter la démission, chose qu'il n'a pas fait parce qu'il (Mahmoud Abbas) n'a pas envoyé de lettre écrite de confirmation. Deuxièmement, il peut rejeter la démission. Troisièmement, il peut entamer des consultations comme il l'a fait hier soir. Quatrièmement, il peut accepter la démission et demander à nouveau à Abou Mazen de former un gouvernement, ou cinquièmement, il peut accepter la démission et charger quelqu'un d'autre”, a déclaré l'homme de confiance de Arafat, hier, à la presse. Il ajoutera : “Je crois que le président Arafat étudie toutes ces options, mais je pense que l'option la plus probable est qu'il va demander au premier ministre Abbas de former un nouveau gouvernement.” Saeb Erekat a insisté sur la nécessité de “sauvegarder la feuille de route”. “Le temps presse et pour la dynamique interne des Palestiniens, nous devons faire le plus vite possible si nous voulons que les Américains, les Européens et les autres restent impliqués dans la feuille de route”, a précisé le patron des négociateurs palestiniens. Pour mieux monter la gravité de la situation, il dira : “Parce qu'à Dieu ne plaise, si la feuille de route tombe aux oubliettes alors tout ce qu'on a pu voir dans les rues… pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg.” Hier, Yasser Arafat s'est réuni avec le Comité central du Fatah dans le cadre de ses consultations avant de prendre sa décision finale. Celle-ci, très attendue, risque de plonger toute la région dans une spirale de violence, qu'il sera difficile d'arrêter, à moins que le président de l'autorité palestinienne ne fasse preuve de beaucoup de diplomatie et de tact pour dégoupiller cette crise qui coïncide avec la tentative israélienne de liquider le leader spirituel du mouvement Hamas afin d'éviter l'embrasement. K. A. L'expulsion de Arafat de nouveau à l'ordre du jour Le ministre israélien des Affaires étrangères a de nouveau préconisé, hier, l'expulsion du dirigeant palestinien Yasser Arafat au lendemain de la démission du Premier ministre de Mahmoud Abbas. “L'expulsion de Arafat devrait être, comme je l'ai déjà dit, le résultat inévitable de tout ce qu'il a fait pour provoquer la chute de Mahmoud Abbas”, a affirmé M. Sylvan Shalom à la radio publique. “Tant qu'il sera dans le secteur, il ne permettra à aucun processus politique de se développer”, a ajouté le chef de la diplomatie. Mardi dernier, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, avait affirmé que l'expulsion du dirigeant palestinien sera examinée “à court terme, peut-être avant la fin de l'année en cours”. “Arafat représente un obstacle très important pour Mahmoud Abbas (le Premier ministre palestinien) et pour tout processus politique (...) Nous avons commis une erreur historique en ne l'expulsant pas il y a deux ans, mais nous allons traiter ce dossier à court terme, sans doute avant la fin de cette année”, avait affirmé M. Mofaz. Peu après l'annonce de la démission de M. Abbas, la présidence israélienne du conseil a publié un communiqué affirmant qu'Israël “n'acceptera pas une situation dans laquelle le contrôle de l'Autorité palestinienne repasserait entre les mains de Yasser Arafat ou de l'un de ses inconditionnels". Depuis 20 mois, le président de l'Autorité palestinienne est confiné par l'armée israélienne dans son quartier général de Ramallah, en Cisjordanie. Selon les médias, une majorité de ministres du gouvernement d'Ariel Sharon est favorable à l'expulsion de Yasser Arafat, mais les services de renseignement et de sécurité s'opposent à cette sanction en estimant que le leader palestinien aurait davantage de “capacités de nuisance” en exil. Du côté palestinien, le comité central du Fatah, le principal mouvement palestinien, a été convoqué pour hier matin, afin de discuter, en présence de son chef Yasser Arafat, de la démission de M. Abbas. M. Arafat l'a acceptée et a chargé M. Abbas d'expédier les affaires. Ce dernier a justifié sa démission par l'impasse totale du processus de paix, imputable, selon lui, à Israël, mais aussi au manque de soutien à son gouvernement de la part de Yasser Arafat.