Ce départ fait rebondir la crise opposant le président Arafat à son désormais ancien Premier ministre. Quoique plus ou moins supputée, la démission hier du Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, a quelque peu surpris. En effet, jeudi, lors de son discours à la réunion du Conseil législatif palestinien (Clp, Parlement) Abou Mazen s'est montré plutôt conciliant qui, tout en admettant l'existence d'un «problème» avec Arafat, n'en reconnaissait pas moins le «rôle historique» d'Abou Ammar. L'accommodement dont a fait montre Mahmoud Abbas, la médiation du Clp qui tenait à aplanir le différend opposant les deux hommes, laissait alors croire que les parlementaires arriveraient à faire dépasser cette nouvelle difficulté aux Palestiniens. Mais cela ne semble pas aussi simple, et comme l'estimait jeudi, un analyste palestinien, l'heure du compromis semble bien dépassée et qu'il faut maintenant faire des choix qui engagent l'avenir du peuple palestinien. Il est clair qu'une officialisation ou une acceptation par Yasser Arafat, de la démission d'Abou Mazen, aura des conséquences négatives sur le processus de paix de la «feuille de route» que le président Arafat, dans un entretien à CNN, estime mercredi dernier comme «morte» du fait des «agressions répétées d'Israël» contre le peuple palestinien. Hier, dès l'annonce de la démission d'Abbas, une source proche de Arafat avait alors déclaré que le président palestinien «(...) a accepté la démission». Or, dans la même journée, dans une déclaration, qui pouvait être assimilée à une sorte de démenti, le général Jibril Rajoub, conseiller à la sécurité auprès de M.Arafat, nuançait les propos attribués à la source «proche de Arafat», en indiquant que le président Arafat «continue d'examiner la lettre et n'a pas encore arrêté sa décision». Sans doute que Yasser Arafat, voulait laisser au Parlement, qui se réunissait en fin de matinée, de reprendre son initiative de médiation. De fait, M.Abbas devait expliquer au Parlement, réuni hier (à huis clos), les raisons de son départ. Le Clp comptait ensuite se transporter à Ramallah pour écouter le président Arafat. Celui-ci a certes toute latitude d'accepter la démission de son Premier ministre, comme de le reconduire dans sa mission. En réalité, le destin des deux hommes est lié, car présentant paradoxalement les deux facettes de la résistance palestinienne. Abou Ammar, leader charismatique, est adulé par les Palestiniens, mais a beaucoup perdu de son aura au plan international, alors que Abou Mazen, plus effacé et plus en recul dans l'action directe palestinienne, considéré comme un «modéré» par les Occidentaux qui portent beaucoup d'espoirs sur lui, constituait l'alter ego idéal dans la problématique palestinienne. En fait, le sort de l'un dépend de l'autre, politiquement parlant, car rien ne peut se faire dans les territoires occupés sans l'assentiment d'Abou Ammar, par ailleurs, c'est Abou Mazen qui a l'oreille des décideurs internationaux. C'est dire que la mise en oeuvre de la «feuille de route» ou ce qu'il en reste, est tributaire des relations, certes conflictuelles, entre les deux hommes forts de la résistance palestinienne. Même déclaré «caduc», par les Américains et les Israéliens, ces derniers savent pertinemment le poids réel qu'il conserve dans le mouvement national et parmi le peuple palestinien. En fait, la mise à l'écart de l'un ou de l'autre de ces hommes, reportera aux calendes grecques la mise en oeuvre d'un plan de paix international, (la feuille de route) qui a déjà largement montré ses limites, (ses failles en fait sont nombreuses), ne serait-ce que par le fait qu'il semble plus, répondre au diktat israélien qu'à une détermination réelle à trouver enfin une solution au contentieux israélo-palestinien. Aussi la démission de Mahmoud Abbas, dans le cas où elle est entérinée par le président Arafat, ne fera que compliquer une situation déjà assez sérieuse. Toutefois, le «problème» Abou Mazen demeure, dans la mesure où il se trouve sous le coup d'une motion de censure présentée par 18 parlementaires peu convaincus des efforts réalisés jusqu'à présent par le Premier ministre, leurs griefs allant de la dégradation de la situation sécuritaire à son incapacité à arrêter la construction du «mur» par Israël, de même que son impuissance à faire reprendre des négociations sérieuses avec le gouvernement Sharon. Aussi, s'il est confirmé par Arafat à son poste de chef du gouvernement, M.Abbas, risque aussi bien de tomber par la censure du Parlement, dominé par le Fatah. Toutefois aux toutes dernières informations le président Arafat a accepté la démission de M. Abbas. La crise de gouvernement palestinien risque aussi d'occulter la gravité de la situation qui est celle des territoires occupés où l'armée israélienne poursuit dans l'impunité la plus totale les exactions contre la population palestinienne, comme les opérations de vendredi à Rafah, sud de Ghaza et à Naplouse. Ce qui fait dire au ministre palestinien de l'Information, Nabil Amr, que «le gouvernement israélien signifie ainsi aux Palestiniens et au monde, qu'il entend poursuivre sa politique hostile, fermant ainsi les portes à tous les efforts d'apaisement».