La crise de pouvoir ouverte par la démission de Mahmoud Abbas a en fait montré que Yasser Arafat reste l'homme de la situation Yasser Arafat qui a fini par accepter la démission de Mahmoud Abbas, a sollicité le président du Conseil législatif palestinien, (Clp, Parlement), Ahmed Qoreï pour le poste de Premier ministre. En réalité la nomination d'Ahmed Qoreï, connu aussi sous le nom de guerre d'Abou Alaa, était attendue par les observateurs et analystes du champs politique palestinien, notamment lorsqu'il était devenu évident que les positions entre MM.Abbas et Arafat étaient définitivement inconciliables. Contrairement à Mahmoud Abbas, certes compagnon de route de longue date, d'Abou Ammar, Ahmed Qoreï présente la particularité d'être très proche du président Arafat et également d'être écouté par lui. Ce qui fait que, sans doute, va-t-il accorder au président du Parlement, Ahmed Qoreï, ce qu'il refusa à son prédécesseur Mahmoud Abbas, le contrôle des services de sécurité, point d'achoppement entre le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre démissionnaire. Le comité central du Fatah, parti de Yasser Arafat et le Conseil exécutif de l'OLP (CE/OLP) qui se sont réunis dimanche, ont plébiscité le président du Parlement recommandant «à l'unanimité» au président Arafat «la candidature d'Abou Alaa au poste de Premier ministre». C'est dans ce contexte que le président Arafat a pressenti hier, M.Qoreï pour le poste désormais vacant, de chef du gouvernement. L'intéressé n'a dit ni oui ni non, mais a d'emblée posé ses conditions, notamment sous la forme de garantie du soutien des Etats-Unis et de l'Union européenne. Dans sa première réaction, Ahmed Qoreï a indiqué en effet «j'ai été pressenti, mais je n'ai pas encore accepté, car j'attends de voir quel type de soutien j'aurai de la part des Américains et des Européens pour que je puisse changer la situation sur le terrain pour les Palestiniens». Déclaration de principe, sans doute, mais assez indicative de la prudence d'un homme qui sait qu'il évolue sur un terrain miné. Ce que montre la suite de ses propos lorsqu'il déclare «Je m'attends à un véritable soutien du quartette», (parrain du plan de paix de la «feuille de route» les USA, l'ONU, l'UE et la Russie), mais surtout lorsqu'il affirme «Je vais voir ce que les Israéliens vont faire. Je ne veux pas voir de démolition de maisons. Je veux voir une véritable trêve, Telles sont mes conditions», appelant à la levée du boycott du président Arafat faisant valoir que «le gouvernement israélien élu doit changer la façon dont il traite le président palestinien élu». C'est dire que le président du Parlement palestinien est conscient des difficultés qui l'attendent même si le challenge ne semble pas le rebuter. Comme il le montra lors des négociations des accords d'Oslo de 1993, dont il fut l'une des chevilles ouvrières avec, notamment, le Premier ministre sortant, Mahmoud Abbas. Ahmed Qoreï est également celui qui tenta de trouver un consensus avec les Israéliens lorsque, avec l'ancien ministre travailliste et acteur des accords d'Oslo, Shimon Peres, il mis au point en 2002 un plan de paix, connu sous le nom de «plan Peres-Abou Alaa» pour faire sortir la région de la spirale de confrontation ou elle était engagée depuis, alors, deux ans. Le plan est demeuré sans lendemain, Israël ayant une fois pour toute privilégié la force pour dompter les Palestiniens. Le choix d'Abou Alaa comme Premier ministre semble avoir été bien accueilli par la communauté internationale, qui reconnaissait en Ahmed Qoreï un homme de paix et susceptible de travailler avec Israël. Ainsi, dans une première réaction, Cristina Gallach, porte parole du chef de la diplomatie de l'Union européenne, UE, Javier Solana, a déclaré hier qu'«Ahmed Qoreï est très respecté par l'UE. L'UE connaît sa trajectoire et sait qu'il a été un homme de paix et qu'il veut la paix avec Israël» indiquant «Il ne fait aucun doute que l'UE fera tout son possible pour le soutenir et l'aider». Hier, en fin de matinée, les Américains n'avaient pas encore réagit mais ont cependant souhaité, dimanche, la nomination rapide d'un Premier ministre qui «ait les pouvoirs nécessaires pour combattre le terrorisme» indique la conseillère présidentielle à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, laquelle souligne «Ce serait quelqu'un avec qui nous pourrions travailler, et avec qui les Israéliens pourraient travailler». C'est dire que Washington continue à voir dans le contentieux proche-oriental un problème de terrorisme faisant ainsi abstraction, à l'instar d'Israël, des fondements d'un conflit marqué par l'occupation des territoires palestiniens et la persécution du peuple palestinien. De fait, pour les Israéliens, comme le déclarait hier le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, «Cette nomination ne permettra pas la moindre avancée pour le processus de paix tant qu'Arafat continuera à tirer les ficelles». Cette déclaration montre combien Israël n'est pas prêt d'accepter dans les Palestiniens des partenaires libres avec qui il négocie la paix, mais veut surtout un peuple soumis à son diktat. Ce qui n'est guère encourageant pour le prochain Premier ministre palestinien, d'autant plus que les Etats-Unis semblent attendre de lui uniquement de lutter contre la résistance populaire palestinienne que les USA et Israël persistent à l'assimiler au terrorisme. Toutefois, s'il y ait un enseignement à tirer de la crise de pouvoir qui a secoué l'Autorité palestinienne ces derniers jours, laquelle s'est traduite par le départ du Premier ministre Mahmoud Abbas, est le fait que le président palestinien élu est plus que jamais incontournable et l'assiégé de Ramallah demeure l'homme de la situation que, d'une manière ou d'une autre, les acteurs du dossier israélo-palestinien ne peuvent plus ignorer car la paix au Proche-Orient ne pourra se faire contre Yasser Arafat, encore moins sans lui.