Ivresse ou délire politique, Bouguerra Soltani, qui a défendu toutes les options du pouvoir, bombe le torse et se sent pousser des ailes. Le chef de file du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Bouguerra Soltani, qui a été à Doha (Qatar) et qui reçu Rached Ghannouchi, en visite à Alger il y a quelques semaines, sillonne le pays et multiplie des déclarations incendiaires. Ivresse ou délire politique, Bouguerra Soltani, qui a défendu toutes les options du pouvoir, même les plus contestées, comme la révision de la Constitution, bombe le torse et se sent pousser des ailes. Imprudence politique ou stratégie populiste, il se livre cependant, à un exercice politique dangereux des plus venimeux et à l'art ardu de l'opposition et de la contestation directe. Samedi, Bouguerra Soltani a déclaré, à partir de son siège à Alger, que: «l'Algérie est le bled de «dez maahoum» et «echtaki li men habite». Cette déclaration, qui est à la limite de l'insulte, émane en effet du président du MSP, ex-ministre de la Pêche, ex-ministre sans portefeuille et membre de l'Alliance présidentielle, dont le parti compte 52 sièges à l'Assemblée populaire nationale (APN) et 4 ministres dans le gouvernement. Toutefois, M.Soltani n'en est pas à son premier dérapage verbal. Tirant à boulets rouges sur les corrompus et les corruptibles, le patron du MSP oublie, paraît-il, que les scandales ont éclaté dans des secteurs où ses ministres sont en charge. Le feuilleton de l'autoroute Est-Ouest, le secteur du commerce qui peine à se relever et faire face à l'informel, ou encore l'affaire du thon rouge en sont une illustration. Que dire de M.Soltani lorsqu'il était à la tête du secteur de la pêche? L'Algérie riche en ressources halieutiques, ne parvient pas à exploiter cette richesse correctement alors que le prix du poisson ne descend pas des cimes. Les Algériens, en tous les cas, s'en souviennent. La liste des coups fourrés et maladresses politiques est assez longue M.Soltani. L'épreuve du pouvoir des islamistes en Algérie ne date pas d'hier. Les résultats sont là et connus de tous. Les ministères des Travaux publics, du Commerce, de la Pêche, l'Artisanat sont aujourd'hui pilotés par des ministres du MSP, alors que le patron de ce parti a été élevé au rang de ministre d'Etat avant de perdre son statut. Lui qui a soutenu dans le fond et la forme le Programme présidentiel a donné instruction ferme à ses députés pour voter contre les projets de loi s'inscrivant dans le cadre des réformes engagées par le chef de l'Etat. A l'Assemblée populaire nationale, le MSP a voté la semaine dernière, pour la première fois depuis 1999, contre des projets de lois, qui y ont été débattus. Voulant se doter d'un crédit populaire disparu, depuis qu'il a rejoint le camp de l'Alliance présidentielle et de s'être frotté aux rouages de la gestion marquée par la corruption et la déchéance. Surfant aujourd'hui sur l'islamisme politique, qui a le vent en poupe ces derniers mois dans certains pays d'Afrique du Nord, le MSP compte changer de chemin politique et «s'émanciper» en prévision des législatives de 2012 en basculant dans l'opposition politique, sortant de fait de l'Alliance présidentielle, qui l'a dans le même temps servi et souvent desservi. Et pour arriver à ses fins, Bouguerra Soltani se présente comme étant «l'ambassadeur» et «l'interlocuteur» des islamistes arabes, fraîchement installés au pouvoir. Le parti cher à feu Mahfoud Nahnah a visiblement abandonné, depuis l'éclosion de l'islamisme dans certains pays arabes, sa posture et sa doctrine politique fondée sur l'entrisme pour se projeter vers une opposition dure envers le pouvoir en place. Ceci dit, depuis que le vent de révolte souffle sur le Monde arabe, que des pouvoirs autocrates ont quitté la scène arabe, une voie s'est ouverte pour les islamistes dans laquelle Bouguerra Soltani tente de s'engouffrer, s'estimant favori incontestable des prochaines législatives, prévues pour 2012. «La société algérienne veut être gouvernée par les islamistes», a-t-il déclaré dernièrement à partir de Bordj Bou Arréridj. De même, il a également appelé les formations politiques et personnalités de la mouvance islamiste à conclure une alliance en prévision des législatives de 2012. C'est dire que l'enjeu est de gagner les prochaines législatives qui lui ouvriront les voies de la «Maison Algérie», après avoir assuré sa place dans tous les rouages de l'Etat. Depuis le milieu des années 1990, plusieurs ministres islamistes ont dirigé et géré d'importants portefeuilles ministériels. Son parti est présent dans presque la totalité du territoire national et il possède des élus dans les APC, aux APW, à l'APN, au Conseil de la nation. Visiblement, il lui manque seulement un pied au niveau des centres de décision pour espérer gouverner un jour seul le pays. C'est dire que la stratégie de l'entrisme mise en oeuvre depuis la création du MSP par feu Mahfoud Nahnah a fait son chemin. D'où l'on relève que ce courant a largement progressé dans la société algérienne et acquis une solide expérience au sein des institutions. C'est au milieu des années 1990 que les autorités algériennes ont décidé d'intégrer les islamistes dans le jeu politique pour tenter de les amadouer. Ont-elles réussi leur coup? Cela reste à vérifier lors des prochains rendez-vous électoraux, à commencer par les élections législatives de mai 2012.