Il y a quelque chose de pathétique ou de risible dans les efforts déployés par le MSP pour se découvrir une vocation tardive d'opposant. La manière avec laquelle son chef contorsionniste tente de surfer sur la vague du Printemps arabe, jouant à l'opposant de la 25e heure, convoque du même coup les mânes de Mahfoud Nahnah et du Cardinal de Retz, célèbre homme d'Etat et mémorialiste français. Cheikh Nahnah, fondateur du mouvement Hamas, matrice historique du MSP, et, surtout, fin lettré et génial adepte de l'entrisme politique, manque cruellement à son mouvement. Le MSP, ersatz du Hamas, a dévalorisé sa crédibilité politique comme le dinar algérien sa valeur de change sur le marché informel du dollar et de l'euro. Bouguerra Soltani, dit Abou Djorra, est en effet l'ectoplasme politique de Nahnah qui, lui, a, comme on le sait, fait de la théorie de la participation politique un art consommé de l'entrisme. Le fondateur du concept de chouracratie, c'est à dire la concertation comme fondement de la démocratie, avait ce génie de la formule et du néologisme qui donnait l'impression que son parti possédait des divisions blindées qu'il n'avait pas finalement dans ses arsenaux. Nahnah ou la réalité virtuelle qui a valeur de réalité concrète. Soltani, piètre orateur et jurisconsulte laborieux, a transformé la wassatiya de Nahnah, son fameux centrisme actif, en philosophie de la mortelle ambiguïté. Même si les chiffres officiels sont contestables, le MSP, version Soltani, n'aurait obtenu en 2007 qu'un malingre 9,71% des voix aux législatives. Bouguerra Soltani, adepte en ses heures perdues de la rokia, l'exorcisme à coup d'incantations anti-sataniques, est un politique dont le profil, le style et les idées font penser à certaines maximes du cardinal de Retz. Le cardinal frondeur, célèbre pour ses philippiques parlementaires, disait notamment que «les esprits irrésolus ne suivent presque jamais ni leur vue ni leur sentiment, tant qu'il leur reste une excuse pour ne pas se déterminer.» Cette citation semble taillée comme un kamis pour l'ancien ministre de la Pêche. Comme l'est aussi cette sentence du même cardinal qui disait aussi qu'«il y a très loin de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l'application.» Aujourd'hui, Aboudjorra Soltani découvre les joies du surf politique en se composant un rôle d'opposant qui a deux pieds dedans et un pied dehors. Depuis que le chef de l'Etat a annoncé des réformes politiques et, surtout, depuis que les islamistes marocains, tunisiens et égyptiens ont pignon sur rue et des maroquins au gouvernement, il découvre les délices cachés de l'opposant qui dit désormais non mais avec le grand mais de l'opportunisme. Dans le style retenez-moi ou je fais un malheur à l'APN, le MSP s'abstient de voter ou vote contre des lois que ses propres représentants au gouvernement ont approuvées en Conseil des ministres. Désormais, sans que cela lui en coûte beaucoup, Soltani a beau jeu de dire que «les réformes de Bouteflika sont administratives et sèches et n'ont pas assimilé les enseignements de janvier 2011», mois des émeutes du sucre et du beurre en Algérie. Il est vrai que le MSP a toujours demandé, à juste titre d'ailleurs, que la révision de la Constitution doit être l'amorce des réformes politiques. Seulement, irrésolu comme son chef de file, le MSP critique, dénonce et menace, sans pour autant rompre avec le régime. Il siège toujours au Parlement et au gouvernement. Il est toujours membre de l'Alliance présidentielle qu'il n'a pas cessé de quitter. Comme aurait dit Cheikh Nahnah, Bouguerra Soltani sait par où entamer l'épaule du méchoui. Plus qu'hier, Printemps Arabe ou pas, automne islamiste ou pas, le MSP a toujours le popotin entre deux chaises politiques. Et quand on est ainsi écartelé, on a mal au couffin ! L'ambiguïté fait toujours mal en politique. Comme le disait le cardinal de Retz, on n'en sort qu'à son détriment. En attendant le prochain verdict des urnes, le MSP se présente comme un parti qui a beaucoup perdu de ses 9,71% de voix. Il est confronté à la dissidence d'Abdelmadjid Menasra. Cet ancien cador du parti, ex-ministre, a créé en 2009 le MPC, le Mouvement pour la prédication et le changement, vampire électoral du MSP. Outre le MPC, le MSP a été débordé par d'autres élus, menés par le Dr. Abdelaziz Hariti. Ce discret cacique du parti, veut revenir aux sources premières du mouvement des Frères musulmans, dont le MSP est l'avatar algérien. Abdelaziz Hariti est l'interface entre le MSP et le mouvement des Frères musulmans dans le monde. C'est lui qui incarne la solidarité panislamique au sein du MSP, en mobilisant pour certaines causes, comme le Bateau pour Gaza ou la solidarité avec la révolution en Syrie. Débordé de toutes parts, le MSP est sur le fil du rasoir, en instabilité chronique depuis son 4e congrès, en 2007. Justement, les dissidents lui reprochent sa logique participationniste qui n'est même pas un soutien critique au régime. Justement, c'est ce que pourrait lui reprocher également l'électorat islamiste. Peut-être qu'il est déjà trop tard pour le MSP de se dresser sur son séant. Et de s'asseoir sur une seule chaise politique. N.K.