Halim Akli, le poète Les vers que propose le poète ont été écrits entre 1989 et 2001. Ils ont été couchés sur des pages de cahiers scolaires ou de calepins intimes. Les poètes de la région ne nous ont pas habitués à des recueils aussi volumineux. Il s'agit d'un livre de 182 pages où il est question de revenir sur une longue période vécue par notre pays dans la douleur et la dignité. L'auteur a choisi l'anonymat puisqu'il publie son livre avec un pseudonyme: Allas Di Tlelli. L'ouvrage est également publié à compte d'auteur. Le titre de ce livre intitulé Isehwiken n temzi ou Déflagrations de jeunesse, est loin d'être l'oeuvre d'un novice dans le domaine de l'écriture puisqu'en écrivant un roman, également en tamazight en 1993, intitulé Imesli n tsusmi (Le son du silence), il a été récipiendaire du prix Mouloud Mammeri qu'attribuait chaque année la Fédération nationale des associations amazighes que présidait Malika Ahmed Zaïid, enseignante au département d'économie de l'université de Tizi Ouzou et également militante de la cause berbère de première heure. L'auteur avertit d'emblée que se lancer dans le monde inextricable de l'écriture et de la création a toujours été une entreprise lourde de responsabilité et de conséquence: «A fortiori quand cela a lieu dans une contrée austère, vaniteuse à souhait et sous domination de l'arbitraire; exception faite évidemment pour une certaine écriture qui, du reste, ne manque parfois pas de style et d'esthétique, mais tournant volontairement le dos à la quintessence même de l'acte d'écrire qui est d'éveiller les consciences, de promouvoir l'esprit de la citoyenneté et de s'inscrire dans une dynamique militante alliant la remise à flot permanente des idéaux de liberté et d'émancipation démocratiques et la dénonciation sans équivoque des atteintes à ceux-ci par l'absolutisme sous toutes ses formes.» L'auteur de cet ouvrage s'interroge: «Bien que très prolifique, le rôle social de notre élite se limite-t-il à l'écriture? Ecrire suffit-il pour se voir attribuer la qualité d'intellectuel? Le débat mérite amplement d'être ouvert». Allas Di Tlelli souligne que la mésaventure de ce recueil est, à elle seule, parlante à ce propos. L'auteur explique que «se voulant une sorte d'anthologie des «détonations» qui ont été «soufflées» par des coups de gueule d'une phase cruciale dans la vie des Algériens en général et des Kabyles en particulier, ayant vécu la période allant de l'après-Octobre 1988 aux événements du Printemps 2001, Déflagrations de jeunesse s'inscrit résolument dans la continuité d'un combat politique pour la démocratie et les droits humains, pour la reconnaissance officielle de la langue et de l'identité premières, pour la laïcité et l'égalité entre l'homme et la femme... autant d'idéaux pour le militant qui se met, du jour au lendemain, à donner une autre dimension à ses idées et à son action». Dans ce recueil de poésie, il est également question de jeunesse, d'amitié et d'amour, qui sont autant de fantasmes qui aident à créer l'illusion d'une vie; c'est une jeunesse damnée qui projette, à son corps défendant, dans un décor lugubre et un quotidien affligeant qui semble frappé du sceau de la fatalité, tous ses rêves bâillonnés et toutes ses illusions perdues. Les vers que propose le poète ont été écrits entre 1989 et 2001. Ils ont été couchés sur des pages de cahiers scolaires ou de calepins intimes et où l'auteur a vécu, à l'instar de ses contemporains, le moindre laps de temps, la moindre pulsation des rêves collectifs, la plus infime des vibrations qui retentissaient sous des pas de militants décidés à refaire le monde et à corriger l'histoire. Ces militants avaient la foi en l'aboutissement proche et inéluctable d'un combat qui puiserait ses racines dans les temps les plus reculés de l'histoire. «Durant cette période, chaque jour qui passe est une victoire sur la fatalité et l'ordre établi qui aura détruit les générations qui nous ont précédées et qui nous arrachait ce que nous avions de plus précieux: notre jeunesse», souligne le poète Allas Di Tlelli. Ce dernier développe encore son message: «De bouleversement en cataclysmes sociétaux et politiques, notre génération aura été celle qui a regardé son innocence s'arracher, ses vingt ans se briser et ses horizons s'obstruer complètement. Ainsi, l'épicentre de chaque cataclysme s'est avéré être en chacun de nous. Supporter une telle masse de violence est chose inconcevable pour les adultes qui n'ont jamais eu vingt ans et qui s'étaient lancées prématurément dans une guerre asymétrique et inégale contre l'arbitraire et la tyrannie.» Chaque événement, personnel ou collectif, politique ou social, culturel ou autre avait sur ce poète une résonance pleine et profonde de telle sorte que pour se libérer de la tension titanesque qui en résultait «l'écriture qui s'était révélée à moi très tôt, était le refuge idéal, l'exutoire de mes frustrations, de mes douleurs et de mes déceptions, le jardin secret où mes espoirs se régénéraient et mes illusions s'entretenaient.»