Ce n'est pas exagéré de dire que notre journal a été victime d'une véritable tentative d'assassinat avec préméditation. Le journal, qui a subi les plus grands risques dans le plan visant à museler la presse nationale en s'attaquant à six de ses principaux titres, est sans conteste L'Expression. Jeune publication ne totalisant que deux années et demie d'existence, notre publication a bel et bien frôlé le pire pour qui sait qu'il faut au minimum cinq années pour équilibrer ses comptes. C'est à une véritable course contre la montre que les responsables du journal ont dû se livrer hier pour garantir le retour de L'Expression sans autre retard. Grande fut notre surprise, en effet, en allant déposer le chèque certifié de 3 milliards de centimes, une somme récoltée à très grande peine durant ces quinze derniers jours, de nous entendre rétorquer qu'il manquait encore la «bagatelle» de... 63.000 DA. Il a fallu effectuer un véritable parcours du combattant pour nous acquitter de cette dernière somme avant que les banques ne ferment et que nous soyons forcés de perdre encore 24 heures puisque même si un dinar manquait au dû exigé, le journal n'était pas autorisé à être tiré. L'ordre a fini par tomber. L'Expression revient à partir d'aujourd'hui sur les étals. Mais, cette aventure, loin d'être terminée, a été particulièrement éprouvante pour tous. Un retour sur ce mois de calvaire, qui nous a été imposé, est donc nécessaire. Mettre le pouvoir dos au mur Les six patrons concernés par ces mesures arbitraires, profitant des grandes expériences passées, ont réagi avec une extrême promptitude et piégé le pouvoir en décidant de s'acquitter des «rançons» qui leur étaient exigées, aussi exagérées soient-elles. C'est ainsi qu'El-Khabar a pu revenir à ses lecteurs dès le troisième jour de sa suspension, une fois épongée l'intégralité de sa «dette». Liberté l'a suivi de très près, une fois apuré un dû laissé par un autre journal, édité par une autre société, mais appartenant au même homme d'affaires. Placé au pied du mur, contraint de suivre sa propre logique, pour illégale qu'elle soit, le pouvoir a été contraint de «relâcher» les deux titres cités plus haut. Or, un harcèlement sans précédent a été enclenché afin de bloquer le retour des autres. D'où le «piège» tendu à Mohamed Benchicou, directeur du Matin, à son retour de France et la tentative de bloquer les comptes de ce journal. Il a quand même triomphé de ces nouvelles embûches, suivi quelques jours après par Le Soir d'Algérie. L'Expression, par son jeune âge et, partant, l'absence d'un matelas financier conséquent, a souffert bien plus que les autres journaux suspendus. Il a carrément frôlé la mort, n'était la pugnacité déployée pour récolter les sommes exigées et l'élan de solidarité que nous ont témoigné nos dizaines de milliers de lecteurs. L'Expression, dès les premiers jours, a prouvé sa bonne foi et son engagement, en récoltant la somme de 12,5 milliards de centimes qu'il a payée. Dans celle-ci, figurent nos créances publicitaires détenues par l'Anep depuis plus d'une année, équivalentes à près de 5 milliards. Notre dette, telle que «calculée» par nos créanciers, serait égale à 15,5 milliards, ce qui est archifaux. Des mises au point, initialement faites, s'imposent de nouveau à l'occasion de notre retour sur les étals. Notre dette avec les imprimeries de l'Est et de l'Ouest est d'à peine 1,5 milliard. Il faut lui ajouter la somme de 3 milliards que nous devons à la SIA. Hormis ces six milliards, nous n'avons aucune autre dette. Si la somme a été autant grossie, c'est que le délai de deux mois dans les paiements a été dénoncé unilatéralement par les imprimeurs, générant une hausse de plus de 3 milliards, sans compter les 600 millions de caution déposés au niveau de la SIA. Cela d'une part. D'autre part, la dette que nous avions auprès de la Simpral, celle-ci n'étant plus notre prestataire de service depuis le début de l'année en cours, avait été négociée sous la forme d'échéances à payer à raison de 500 millions par mois jusqu'à épuisement de la somme, évaluée à un peu plus de 8 milliards. Voilà la vérité. Un véritable parcours du combattant Nous avons donc été contraints de payer un surplus de 9,5 milliards. C'en était plus que ne pouvait supporter notre jeune entreprise. Les pouvoirs publics, curieusement, ne se sont pas montrés sensibles à l'irréfutable argumentaire contenu dans la lettre ouverte adressée au chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, une fois payée la somme de 12,5 milliards de centimes et qu'il ne restait que 3 milliards. Nous avons annexé à cette lettre, déposée au niveau de son secrétariat, les détails des factures relatives à trois milliards de créances que nous doivent les institutions publiques que contrôle le chef du gouvernement. Un geste, un seul, de lui, nous aurait évité de rester suspendus encore une quinzaine de jours et, surtout, de repartir avec des caisses vides et des lendemains quelque peu incertains. Nous avions pris le soin de rappeler les obligations légales de cet homme censé faire respecter la loi, mais aussi les graves passifs historiques dont il aurait à pâtir. Seul un silence méprisant a répondu à cet appel qui, loin d'être une note de détresse ou de faiblesse, tendait au contraire à replacer chacun devant ses responsabilités. L'ultime tentative qui devait nous permettre de revenir à nos lecteurs depuis quinze bons jours a, elle aussi, été vouée à l'échec. Il s'agit de la demande de découvert bancaire faite à notre banque. Les responsables de celle-ci, qui ont eu accès à nos chiffres, ont parfaitement saisi le côté «raisonnable» d'un découvert de 1,2 milliards de centimes que nous comptions rembourser dans un délai de deux mois, avec un chiffres d'affaires, des ventes et des recettes publicitaires excellentes. Cette pratique est courante dans toutes les économies de marchés du monde. Elle est même souhaitable pour qui veut encourager l'investissement et la libre entreprise, comme se plait à le rappeler le chef du gouvernement dans presque chacune de ses interventions à l'adresse des capitaux nationaux et étrangers. Le «refus» qui nous a été opposé ne pouvait donc être que politique. Il a confirmé un petit peu plus que la censure dont nous avons été les victimes, un mois durant, n'avait rien de commerciale. Aucun grief, au reste, n'est à retenir au passif de cette banque qui n'a fait qu'obéir aux «ordres venus d'en haut». Preuve est à présent apportée que Ahmed Ouyahia, cet homme qui a mis en prison des milliers de cadres innocents, mis au chômage des centaines de milliers de travailleurs, dont les derniers sont ceux du groupe Khalifa, ne pouvait certes s'appesantir sur le sort des 80 emplois directs garantis par notre quotidien. Notre journal est revenu à la force de ses seules ressources, garanties par de fidèles lecteurs et annonceurs. Nous devons à chacun, qui se reconnaîtra dans ces lignes, notre plus chaleureuse gratitude. Nous leur disons que le parcours continue. Il ne fait même que commencer...