Je me trouve dans l'obligation de me répéter en disant que L'Egypte vit des moments très difficiles, dans lesquels la déception a remplacé l'euphorie. Le Csfa, (Conseil Supérieur des Forces Armées) qui devait tirer les conclusions de l'expérience tunisienne et suivre l'exemple de la révolution du Jasmin, a préféré photocopier l'exemple malheureux de la Syrie et du Yémen. Il a tout fait pour créer une fausse majorité pro-gouvernementale, suivant à la lettre les deux régimes, qui ont mobilisé des fonctionnaires, des repris de justice, des voyous et des pseudo-intellectuels mercenaires pour intimider, voire réprimer les manifestants non armés, qui ne réclament qu'un peu de dignité, pour reprendre l'expression utilisée un jour par le fameux comédien syrien Douraïd Lahham. Cet ainsi que le Csfa a couronné ses séries lamentables d'échecs en ayant recours aux même méthodes de l'ancien régime, en encourageant dans le même temps le pourrissement de la stabilité sécuritaire du pays. A cela s'ajoute un manque évident de clairvoyance politique, qui s'inspire de la règle d'or: gouverner c'est prévoir. C'était la condition sine qua non de la gestion d'une crise politique. Un coup d'oeil rapide sur les dix derniers mois est une preuve irréfutable que le Conseil militaire n'a pas su affronter la situation, c'est ainsi qu'on est arrivé au drame de cette semaine. Les scènes tristes de la place «Tahrir» ont montrés un comportement ignoble et une bassesse jamais constatée dans un pays qui se respecte. Certes, on ne peut blâmer les simples soldats, notamment ceux qui ont rejoint l'armée pour échapper aux mauvaises conditions de vie, imposées par le système néocapitaliste qui a appauvri le pays. Les actes minables et vulgaires des soldats, arrivant jusqu'à uriner sur la foule du haut d'un immeuble, ou à dénuder une jeune pharmacienne contestataire, reflètent, avant tout, le niveau bas des commandants de la police militaire, qui ont chargé ces simples soldats, presque illettrés, de la sale besogne. La volonté de mater les manifestations coûte que coûte était une évidence. D'ailleurs, aucune sanction n'a été prise contre la personne clairement photographiée en train d'incendier l'Institut scientifique égyptien, créé par Napoléon Bonaparte en 1798. La conférence de presse organisée par le Csfa pour absorber le mécontentement général a été un autre échec. Le général Adel Emara, porte parole de l'armée, a, maladroitement, commis la gaffe de dresser un tableau semblable à celui de l'armée soviétique en Hongrie, au printemps 1956, c'est-à-dire, une armée étrangère contre un peuple. Heureusement, l'ancien général Safouat Ezzaïat était l'exemple du valeureux militaire, héritier de la génération du général Chazli et autres grands généraux de l'armée égyptienne. Le général Ezzaïat, dont nous avons pu suivre les commentaires au cours des événements de Libye, a dénoncé avec vigueur sur la chaîne égyptienne privée «Dream2», l'agressivité injustifiée des soldats; refusant ainsi le raisonnement mesquin de l'éminente intellectuelle qui a essayé, en vain, de défendre l'indéfendable, peut-être pour s'assurer un strapontin au pouvoir en place. Pire encore était le silence complice de «néo-salafis» que le Csfa a mobilisés pour orner la nouvelle légitimité, dite constitutionnelle, programmée pour remplacer celle des révolutionnaires. Une impression se généralise. L'armée a déplacé Moubarak, quand sa chute était devenue inévitable, pour s'attribuer le mérite du sauveur de la révolution, et ensuite, faire du «moubarakisme» sans Moubarak. Le Csfa voulait instaurer un pouvoir sur mesure, ceci explique aujourd'hui l'arrière-pensée de la confusion malsaine créée entre le rôle du Csfa et la mission nationale de l'institution militaire, respectée et respectable, pour que chaque critique d'une démarche du Conseil soit rapidement considérée comme une insulte à l'armée, et donc, un crime de lèse-majesté L'impunité des tortionnaires de la police politique et de ses «baltaguias» depuis février 2011, s'explique très bien maintenant. C'est qu'on avait encore besoin d'eux. Ainsi, la collusion juridique avec les anciens du régime s'explique. L'histoire donnera, peut-être, raison aux manifestants de la place «Tahrir» qui ne sont pas convaincus du mariage contre-nature entre le Csfa et une bonne proportion de la classe politique, notamment ceux qui étaient, au départ, pro-Moubarak et contre la révolution, mais qui, avec une complicité certaine, ont pris le train en marche, et s'acharnent maintenant pour arracher la place d'une élite politique et le patronat du bazar économique, sous l'égide et la protection des militaires, anciens élèves de Hosni Moubarak. Mahieddine AMIMOUR est Ancien ministre de l'Information