«Certains veulent achever ce qui reste du secteur public» Les représentants des travailleurs de la zone industrielle de Rouiba, comptant plus de 3000, ont investi, hier, l'esplanade du siège de la Centrale syndicale à Sidi M'hamed, Alger. «Les SGP pourrissement», «Retraités dehors», «Les vieux chassent les jeunes», peut-on lire entre autres sur les pancartes et banderoles arborées par les contestataires. Les protestataires ont reçu l'appui de l'union locale d'Alger et du comité de participation d'ArcelorMittal. Toutefois, ils n'étaient pas seuls, un dispositif impressionnant a été mobilisé pour la circonstance d'autant plus qu'une marche vers le ministère de l'Industrie était prévue. En recevant les deux secrétaires généraux de l'union locale de Rouiba et de la Snvi, Abdelmadjid Sidi Saïd, le patron de l'Ugta, a insinué l'existence de «manipulations politiques ciblant l'espace social». «On constate une agressivité caractérisée qui se développe. Elle est cadencée et menée par les aventuriers», affirme le premier responsable de la Centrale syndicale. Sur sa lancée, M.Sidi Saïd suggère qu'«il se peut qu'il y ait une manipulation tramée sciemment au sein des espaces syndicaux en faveur d'intérêts politiques». Qui sont ces manipulateurs? «Ces aventuriers parmi les gestionnaires et les responsables des SGP, imbus de leur autorité, excellent dans l'agressivité syndicale. Ils trichent à la fois avec les autorités de décision en leur remettant des dossiers et agressent continuellement les travailleurs», a-t-il expliqué. «C'est une action volontaire et délibérée qu'on ne peut pas accepter. A partir de là et dorénavant, tout conflit de ce genre va être combattu sur des bases syndicales musclées», avertit-il. La zone de Rouiba, où une douzaine de SGP sont représentées, compte près de 20.000 salariés. Au yeux de M.Sidi Saïd, il y a peut-être une force embusquée dans l'ombre pour tirer les ficelles. «Est-ce qu'on ne tente pas de pousser les travailleurs à perturber le processus politique?», s'est-il interrogé. Ce n'est pas la seule interrogation qui traverse l'esprit du patron de l'Ugta. «Est-ce que ce n'est pas une manière de casser ce qui reste du secteur public, après les plans de sauvetage et de restructuration du gouvernement, puisque l'agressivité déterminée contre les travailleurs est permanente et non conjoncturelle?», s'est encore demandé le patron de l'Ugta. «Il y a une double action de déstabilisation par la destruction de l'entreprise et par le mensonge», fait-il savoir. Avant de proposer une réaction réciproque. «A cette agressivité il faut opposer une autre agressivité syndicale musclée», a-t-il appuyé. Le message de la démonstration de force des élus syndicaux et une partie des travailleurs se veut «inflexible», selon Sidi Saïd, car poursuit-il «la provocation est venue des gestionnaires publics et privés». «Suite à la réunion du 14 décembre dernier, j'ai reçu une réponse du ministre de l'Industrie qui est en deçà de la réalité du terrain», a-t-il ajouté. Pour le secrétaire général du syndicat de la Snvi, Messaoud Ameziane, «les travailleurs se sont déplacés jusqu'à Alger pour l'augmentation de salaires et surtout pour exiger l'application de la loi notamment les lois 90-14, 90-11 et 83-12 relatives entre autres au droit syndical et à la retraite». Pour illustrer la dégradation du climat social prévalant au niveau de la zone industrielle de Rouiba, il explique qu'«au lendemain de chaque action syndicale on enregistre systématiquement des licenciements abusifs de syndicalistes. Les cadres dirigeants retraités dont le nombre est très important perçoivent un double salaire». De son côté, Salah Djenouhat, secrétaire national de l'Ugta, atteste que les problèmes posés par les travailleurs «sont réels et beaucoup d'entreprises de la zone en souffrent». Il cite à ce propos «le piétinement de la réglementation du travail, comme les licenciements abusifs, les sanctions à tour de bras des syndicalistes et le maintien des retraités aux postes de commande ou de responsabilité». Dans ce contexte, il cite une plainte déposée à l'encontre de 5 travailleurs licenciés par le P-DG d'une entreprise de récupération. Ces derniers poursuivis pour «diffamation» se présenteront aujourd'hui devant le tribunal de Rouiba. «Le maintien des retraités est un violation de la circulaire du Premier ministre», a souligné Sidi Saïd. Par ailleurs, sur proposition du patron de l'Ugta, les travailleurs ont accepté de surseoir à la marche vers le département de l'Industrie comme prévu. Une délégation restreinte devait se rendre au siège du département de Mohamed Benmeradi pour y rencontrer les deux inspecteurs du travail et de l'industrie. Le résultat de cette entrevue sera communiqué aux travailleurs dans 10 jours. Au-delà de cette période de sursis accordée à la tutelle, les travailleurs sont déterminés à aller jusqu'au bout de leurs revendications et comptent organiser une action beaucoup plus musclée.