Le terrorisme bactériologique a vraisemblablement commencé. La psychose de l'anthrax s'empare des capitales européennes au moment où une catastrophe humanitaire se dessine en Afghanistan. Le déluge de feu continue à s'abattre sur l'Afghanistan. Les forces américaines ont pilonné, toute la nuit de lundi à mardi, la ville de Kandahar en ayant recours, pour la première fois depuis le début des opérations, à des frappes à basse altitude. Le Pentagone a, en effet, confirmé l'utilisation des avions AC-130. Ce sont des appareils à quatre hélices équipés d'armes automatiques sur les flancs. Cette version modifiée du transporteur C-130 Hercules et également dotée de caméras vidéo à infrarouges et de radars. Elle peut attaquer dans n'importe quelle condition climatique, poursuivre une cible au sol avec une grande précision et la distinguer des forces amies. Dans la matinée d'hier et dans l'après-midi, des bombardements tous azimuts ont été menés, les raids ont ciblé l'aéroport de Kaboul, les bases des taliban dans leur fief de Kandahar et la ville de Mazar-Echarif, ainsi que d'autres cibles militaires dans le quartier de Kheir Khana (Nord). Selon l'agence de presse AIP proche des taliban, les bombardements de la nuit ont touché une clinique située dans le quartier de Daman. Elle a également annoncé la mort de plus de 14 civils. Des innocents meurent dans cette guerre. La bavure a été reconnue par le Pentagone lui-même. Ils font partie de ce que le jargon de la CIA appelle les dégâts collatéraux. Mais à en croire l'agence AIP, proche des taliban, les miliciens sont invulnérables. A ce jour, cette agence, qui reste le seul écho des points chauds de la guerre, n'a pas fait état de pertes dans les rangs des taliban. Il est évident que l'information constitue le nerf de la guerre. De ce point de vue, les informations données par cette agence relèveraient d'une stratégie de guerre. Elles visent notamment à maintenir le moral des troupes, susciter l'indignation internationale particulièrement du monde arabo-islamique et affaiblir psychologiquement l'ennemi. Seulement, on est en droit de se poser la question: les taliban n'utilisent-ils pas des boucliers humains? Ces mêmes taliban ont massacré des civils à Kaboul. C'était pendant une semaine de bombardements intensifs avant la prise du pouvoir en 1996. Cela étant, les raids américains, qui ont fait une autre bavure, hier, en bombardant un entrepôt du CICR, ont, considérablement, réduit la capacité des taliban à organiser une frappe. Mais aux dernières nouvelles sur la maladie du charbon, il semblerait que la guerre soit portée sur un autre front. Surtout que le lien entre la propagation de cette maladie et les terroristes affiliés à Ben Laden se précise de plus en plus. Malgré les déclarations rassurantes des autorités, les alertes à l'anthrax se sont multipliées, hier, et l'inquiétude est restée vive, après la détection de 13 cas de contamination aux Etats-Unis. Washington a indiqué qu'une lettre adressée au chef de la majorité démocrate au Sénat contenait bien le bacille de la maladie du charbon. La chaîne NBC a révélé, lundi soir, qu'un bébé de sept mois, enfant d'un employé de cette même chaîne, a contracté cette maladie. Une lettre adressée à une succursale de Microsoft à Reno, dans le Nevada, contenait également la bactérie de l'anthrax. Dans les capitales européennes, la panique s'étend de plus en plus. La Russie vient de suspendre temporairement les importations de tous les produits animaux en provenance de Floride, à la suite de cas de maladie du charbon, dans cet Etat. Parallèlement à cette psychose induite par le terrorisme bactériologique qui a vraisemblablement commencé, une catastrophe humanitaire se dessine en Afghanistan. Des milliers de réfugiés traversent, chaque jour, la frontière vers l'Iran. D'après les déclarations de l'Unicef, 100.000 enfants pourraient mourir en Afghanistan cet hiver, si des vivres en quantité suffisante ne leur parvenaient pas dans les six prochaines semaines. Les pays de la région du Golfe ainsi que les organisations humanitaires internationales ont multiplié l'envoi d'aides aux réfugiés afghans. Ces aides peuvent, un instant, apaiser la faim des réfugiés, sauver des vies, mais la menace, la grande, est que le citoyen afghan ne connaisse pas la paix, ne se sente plus en sécurité de même que son semblable en Floride. C'est en quelque sorte le voeu de Ben Laden et de ses semblables.