La 58e session de l'Assemblée générale de l'ONU a donné l'opportunité au président algérien et au roi du Maroc de se rencontrer. Etait-il temps que les deux chefs d'Etat maghrébins se rencontrent enfin afin de briser un mur du silence qui n'a que trop duré? Les deux hommes qui ont pourtant eu nombre d'occasions, ces derniers mois de crever l'abcès - notamment lors des sommets de la Ligue arabe et des Non-alignés auxquels ils ont participé - n'ont pas su, ou pu, saisir ces opportunités pour prendre langue. Il faut bien convenir que depuis leur arrivée au pouvoir, à peu intervalle dans le temps, Abdelaziz Bouteflika et le roi Mohamed VI, ne se sont certes pas évités, mais se sont comme trouvés face à une sorte de guigne qui les empêcha de se réunir, et fait qu'ils n'ont jamais réussi à concrétiser un tête-à-tête depuis longtemps programmé mais à chaque fois, pour une raison ou une autre, ajourné. Et voici que, sans crier gare, ils trouvent enfin à New York cette pertinence de se parler et de se regarder, aidés il est vrai tant par les circonstances générales que par une diplomatie internationale qui avait tout à gagner à voir les deux pays clés du Maghreb en bons termes. Il est vrai aussi que le contentieux algéro-marocain, très lourd, induit tant par les incompréhensions, le moins qui puisse être dit savamment entretenues par les uns et par les autres, que par les fausses rivalités de leadership, quand les priorités auraient dû être celles du développement et la construction de ce Grand Maghreb, rêve utopique s'il en est, dont se réclament les dirigeants maghrébins, mais qui s'est toujours heurté à des égoïsmes qui ont interdit ces dernières années toute avancée dans la bonne direction. Aussi, la rencontre, il faut bien le dire impromptue, entre le président Abdelaziz Bouteflika et le roi Mohamed VI à défaut d'annoncer un retour à la normale n'en constitue pas moins un réchauffement de bon aloi pour le devenir des deux pays. Cependant, il semblerait que cet impromptu a été quelque peu provoqué par le président français Jacques Chirac qui y a mis du sien pour «concocter» cette rencontre. Rencontre de fait assimilée à un «sommet» par l'agence marocaine de presse (MAP) lui réservant ainsi une place de choix, au moment où la presse locale s'est en revanche abstenue de tout commentaire se contentant de reproduire tel quel le communiqué commun officiel. Le communiqué commun à l'issue de la rencontre des deux chefs d'Etat, quoique peu prolixe, n'en détermine pas moins le futur d'une coopération qui gagne à épurer tous les dossiers en suspens. Il est ainsi annoncé la mise en place d'un groupe de travail qui aura pour mission de plancher sur «la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine et la coordination des efforts des deux pays en matière de sécurité, notamment, la lutte contre le terrorisme et toute autre menace pour la sécurité, la stabilité et la paix dans les deux pays frères». On ne saura pas si les deux hommes ont abordé des sujets «qui fâchent» tel le Sahara occidental, mais il reste que c'est toujours le premier pas qui compte, et celui-ci semble avoir été franchi à New York, ouvrant des perspectives réelles d'organiser enfin ce sommet tant attendu entre les chefs d'Etat algérien et marocain - que celui-ci ait lieu à Alger ou à Rabat là n'est pas l'important - afin que soit mis sur table tout ce qui, ces dernières années, a constitué un frein et un blocage à la construction du Grand Maghreb. De fait, la rencontre de New York est importante et positive dans le sens où elle ouvre des perspectives de relance de l'Union du Maghreb arabe (UMA), condition sine qua non du décollage de notre région.