Le vieux continent, qui suit avec attention ce qui se passe en Algérie, estime que c'est la démocratie qui est menacée dans ses fondements. Une délégation d'eurodéputés, en visite à Alger depuis mardi, a eu une rencontre de deux heures avec des patrons de journaux objet de harcèlements multiples de la part des pouvoirs publics. Une occasion pour la députée espagnole, Mme Gonzales, de s'insurger contre «le double langage» de notre chef de l'Etat, qui tient un discours pour la consommation interne et un autre pour ses amis étrangers. «Nous jugeons gravissimes les atteintes contre la presse en Algérie. Elles sont pour nous intolérables si l'on se réfère au droit international». La députée, qui a beaucoup fait pour le mouvement de mobilisation en faveur de la presse algérienne au niveau de la capitale belgo-européenne, va encore plus loin en tançant vertement le chef de l'Etat: «Le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait pris de fermes engagements en mai dernier devant le Parlement européen à Strasbourg en matière de respect de la démocratie et de la liberté d'expression. Il faut croire donc qu'il n'a pas tenu ses engagements au regard de ce qui se passe en Algérie présentement», a conclu Mme Gonzales lors de sa très remarquable intervention devant ses pairs, ainsi que les directeurs du Soir d'Algérie, L'Expression, Le Matin, El-Khabar, La Tribune, El Watan et Liberté. Le sujet relatif aux atteintes dont souffre le FLN n'a pas non plus échappé aux débats, souvent passionnés, entre les représentants du peuple européen et les responsables de certains des principaux titres de la presse privée algérienne. Face à la menace sérieuse et pressante qui pèse sur la démocratie pluraliste en Algérie, les eurodéputés ont promis «un débat parlementaire prochainement sur la liberté d'expression et la démocratie en Algérie». Des invités de marque devraient prendre part à ces débats. Le pouvoir aura à s'expliquer, explique-t-on, puisque son accord d'association avec l'Union européenne contient tout un chapitre relatif aux droits de l'homme, à la liberté d'expression et aux pratiques politiques saines et sans contraintes». Mme Yasmina Boudjnah, également eurodéputée, n'a pas caché sa déception, rappelant les engagements qu'elle a entendus de la bouche même du président Bouteflika, ajoutant que «ces déclarations n'étaient que de la poudre aux yeux visant à endormir la vigilance de la communauté internationale». La délégation devrait, durant son séjour, rencontrer d'autres acteurs de la scène politique et sociale algérienne. Les pouvoirs publics, qui ne seront pas en reste, auront sans doute beaucoup de mal à justifier les graves dérives en train d'être commises dans le pays, littéralement à ciel ouvert. C'est en effet la toute première fois qu'un groupe très représentatif du parlement européen s'implique aussi directement dans la préservation des libertés en Algérie. Il faut dire aussi que nous vivons les premiers «graves dépassements» depuis que l'Algérie a signé son accord d'association avec l'UE avec tous les engagements de «bonne conduite» qui vont avec. L'heure de commencer à rendre des comptes semble avoir sonné.