Le nucléaire iranien n'en finit pas de mettre à nu le concept avec lequel les puissances occidentales - détentrices du savoir scientifique et technologique et partant, militaire - regardent le rapport de force qui doit régir les relations internationales, nonobstant le droit international et la Charte de l'ONU censés gouverner cesdits rapports. Ainsi, depuis dix ans, l'Occident cherche à dissuader l'Iran de poursuivre ses recherches sur le nucléaire, l'accusant - sans en apporter, jusqu'à ce jour, la preuve - de vouloir se doter de l'arme atomique, ne tenant aucun compte des démentis de Téhéran. Depuis, l'Occident a décidé de la mise en quarantaine de l'Iran, jusqu'à décréter l'embargo sur ses exportations de pétrole. S'estimant en droit de se protéger, Téhéran menace de fermer le bras de mer d'Ormuz (partie de son territoire maritime) par où transitent 40% du pétrole du Golfe. C'est le tollé général, résumé par le candidat républicain à la magistrature suprême américaine, Mitt Romney, qui s'exclamait le 23 janvier, lors de sa campagne électorale: «Il est essentiel pour nos militaires et notre marine d'avoir des voies maritimes ouvertes» qui ajoute «Bien sûr que ce serait un acte de guerre» (si l'Iran met à exécution sa menace de fermeture du Golfe). Affamer un peuple depuis une décennie, c'est mettre à ce pays la «pression», celui-ci ose se défendre et c'est un «acte de guerre». Dès lors que ce sont ceux qui détiennent la puissance scientifique, technologique, militaire et économique qui disent la loi. La leur. Le 24 janvier, dans le sillage de l'embargo imposé à l'Iran, Merkel, Sarkozy et Cameron exigeaient «instamment aux dirigeants iraniens de suspendre immédiatement leurs activités nucléaires sensibles». Parallèlement, depuis des semaines, la rumeur, colportée par les médias internationaux, se faisait insistante, indiquant qu'une attaque par Israël des centrales nucléaires iraniennes serait imminente. Les spéculations sur une possible frappe ont redoublé lorsqu'un spécialiste israélien du renseignement, Ronen Bergman, a affirmé, il y a une semaine dans le New York Times, qu'une telle attaque aurait lieu dès cette année. Plus précis, le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a assuré, selon le Washington Post de jeudi, qu'il y avait une «forte probabilité» qu'Israël procède à une telle intervention au printemps. Nuançant ces propos sans s'en offusquer, Barack Obama indiquait lundi, dans un entretien à la chaîne américaine NBC: «Je ne pense pas qu'Israël ait pris une décision» sur un bombardement des installations nucléaires iraniennes. L'Occident, qui réfute à l'Iran le droit de se défendre en fermant le golfe d'Ormuz, trouve naturel qu'Israël attaque et détruise - comme il le fit en 1981 contre la centrale irakienne de Tammuz - les installations nucléaires iraniennes. Donc, loin de s'émouvoir de ce dangereux précédent israélien, Américains et Européens approuvent uniment, comme le fait le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui a dit, mercredi dernier, qu'il faut «tout faire pour éviter» une intervention militaire israélienne en Iran, ajoutant, cynique: «Et pour l'éviter, nous avons décidé (...) de mettre en oeuvre des sanctions sans précédent.» Ainsi, l'Occident, qui estime qu'Israël a tous les droits - comme celui de posséder l'arme atomique, ou d'attaquer ses voisins - châtie en revanche les futures victimes de l'Etat sioniste. Et ce même Occident, qui estime normal qu'Israël cultive l'ambiguïté sur son programme nucléaire - selon les experts, Israël possède 300 bombes atomiques - et est aussi le seul pays qui n'adhère pas au TNP et refuse le contrôle de l'Agence de sûreté atomique de l'ONU (Aiea), trouve tout à fait naturel qu'Israël se réserve toutes les options de frappes contre l'Iran dont il reste toujours à démontrer ses intentions belliqueuses. Une illustration on ne peut plus claire du droit du plus fort. Nous invitons ces laudateurs de la force à méditer ces paroles de Jean-Jacques Rousseau: «Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir. De là, le droit du plus fort...»