Une perquisition a été menée mardi dans l'appartement du fils du président de Guinée Equatoriale Teodoro Obiang Nguema, dans les quartiers chics de Paris, rebondissement spectaculaire de l'affaire dite des biens mal acquis par des chefs d'Etat africains. Teodoro (dit Teodorin) Nguema Obiang Mangue était apparemment absent de cet immense appartement, situé dans la très chic avenue Foch. Un camion de déménagement était garé dans la contre-allée devant l'entrée de cet hôtel particulier, a-t-on constaté. En juillet 2011, le quotidien Libération avait décrit une propriété de 2.185 m2 s'étendant sur six étages et des dizaines de pièces. Conduite par les deux juges d'instruction chargés du dossier et les policiers de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (Ocrgdf), la perquisition s'est déroulée malgré des oppositions sur place, certains occupants invoquant l'immunité diplomatique. En septembre, plusieurs véhicules appartenant à la famille du président équato-guinéen avaient déjà été saisis au domicile du dirigeant africain. « Cet immeuble appartient à l'Etat équato-guinéen et non à la présidence », a protesté sur place l'avocat de la Guinée équatoriale, Me Olivier Pardo, précisant que ce changement de propriété était intervenu en octobre. « Je suis venu protester de la façon la plus vive car nous considérons qu'il s'agit du territoire de la Guinée équatoriale par le principe de souveraineté. C'est une mission diplomatique. Nous contestons absolument les opérations qui sont en train de s'y dérouler », a-t-il dit aux journalistes en dénonçant une «atteinte grave aux principes diplomatiques internationaux ».
« C'est un endroit inviolable et en dépit de cela des opérations de perquisition sont en train de s'y dérouler », a insisté l'avocat, selon qui cet immeuble héberge «la représentante de la Guinée équatoriale auprès de l'Unesco ». Elle a «quitté les lieux contrainte et forcée » et adressé une protestation auprès du ministère des Affaires Etrangères et de la présidence française, a précisé Me Pardo. «Cet appartement relève du droit commun », a réagi de son côté le ministère français des Affaires étrangères. Les juges Roger Le Loire et René Grouman enquêtent depuis décembre 2010 sur les conditions dans lesquelles trois chefs d'Etat africains, Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema et le défunt président gabonais Omar Bongo Ondimba, ont acquis un important patrimoine immobilier et mobilier en France. Ils veulent déterminer si ces acquisitions relèvent du recel et du blanchiment de détournement de fonds publics étrangers. Les biens de la famille Obiang sont particulièrement dans la ligne de mire des enquêteurs qui ont récemment conclu que le patrimoine de ces familles s'était enrichi de nouvelles acquisitions en dépit de la plainte les visant, déposée en 2008 par Transparency International France (TIF). Le fils de M. Obiang a ainsi acquis des oeuvres d'art lors de la vente de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en février 2009 pour 18,35 millions d'euros. «Fait atypique », soulignait dans une note la cellule anti-blanchiment du ministère des Finances, Tracfin, ces biens ont été payés par « la Somagui Forestal, société forestière sous contrôle de Teodoro Nguema Obiang, ministre de l'Agriculture et des forêts qui est à l'origine des virements ». Ces oeuvres d'art intéresseraient particulièrement les magistrats. Pour l'avocat de Transparency, Me William Bourdon, avec cette perquisition « les choses s'accélèrent, un nouveau chapitre s'ouvre ».