C'est une �porte ouverte� pour les associations anticorruption. La d�cision historique du 9 novembre de la Cour de cassation en France de juger recevable la plainte de l'ONG Transparency France visant le patrimoine de chefs d'Etat africains est susceptible d'ouvrir la voie � des actions en justice men�es par d'autres associations anticorruption. �Cette jurisprudence risque d'entra�ner une inflation des plaintes avec constitution de partie civile d'un certain nombre d'associations�, met en garde l'avocat du pr�sident gabonais Ali Bongo, Me Patrick Maisonneuve, qui craint que celles-ci ne cherchent � �instrumentaliser la proc�dure p�nale�. La justice fran�aise avait en effet consid�r� jusqu'� pr�sent que des associations anticorruption ne pouvaient � elles seules �tre � l'origine de poursuites judiciaires, n'ayant pas �d'int�r�t � agir� et n'ayant pas subi de pr�judice direct de d�lits �ventuels. L'opportunit� d'engager des poursuites dans ce type de dossier n'�tait cens�e revenir qu'au parquet. La d�cision de la Cour de cassation, qui a estim� que Transparency France avait bien subi �un pr�judice direct et personnel�, remet en cause cette doctrine et pourrait entra�ner de nouvelles proc�dures. L'association fran�aise de lutte contre la corruption, Anticor, dont le pr�sident d'honneur est le juge �ric Halphen, est ainsi tent�e de relancer des actions en justice. �L'arr�t est tout � fait int�ressant et nous ouvre l'horizon pour la recevabilit� de nos futures actions�, a d�clar� l'ancien juge d'instruction. Le parquet de Paris a class� sans suite depuis un an plusieurs plaintes d'Anticor. La d�cision rendue mardi 9 novembre par la plus haute autorit� judiciaire est �conforme � toute l'�volution du droit positif quant � l'action collective des associations et devrait ainsi permettre � l'avenir de surmonter l'inertie du parquet dans certaines affaires politico-financi�res�, a estim� la branche fran�aise de Transparency International. L'organisation rappelle d'ailleurs que la Cour de cassation a d�j� admis depuis plusieurs ann�es �la recevabilit� des constitutions de partie civile d'associations lorsque l'infraction d�nonc�e porte atteinte aux int�r�ts collectifs que celles-ci ont statutairement pour mission de d�fendre�. Les associations de d�port�s, de lutte contre le tabagisme ou plus r�cemment certains d�fenseurs de l'environnement en ont ainsi b�n�fici�. Faire la lumi�re sur des d�tournements massifs La justice fran�aise cherchera finalement � faire toute la lumi�re sur la mani�re dont trois chefs d'�tat africains ont acquis, en territoire hexagonal, des biens de luxe d'une valeur de plusieurs dizaines de millions d'euros. La Cour de cassation, plus haute juridiction du pays, a donc ordonn� la d�signation d'un juge d'instruction pour enqu�ter sur l'affaire des �biens mal acquis�, renversant une d�cision contraire rendue fin 2009 par la Cour d'appel de Paris. Le parquet, aux ordres du minist�re de la Justice, s'�tait oppos� � la demande de la section fran�aise de Transparency International (TI), qui avait port� plainte avec d'autres ONG pour �recel de d�tournement de fonds publics� contre les dirigeants du Gabon, du Congo-Brazzaville et de la Guin�e �quatoriale. La Cour de cassation a conclu que les d�tournements de fonds commis par des chefs d'�tat constituent un pr�judice pour les ONG luttant contre la corruption et qu'elles sont habilit�es � ce titre � r�clamer l'ouverture d'une information judiciaire. Transparency International y voit une d�cision �historique� qui va permettre de lutter contre l'impunit� quoi qu'en pense le gouvernement en place. �C'est tr�s important, puisqu'on a vu r�cemment en France que le pouvoir ex�cutif n'h�site pas � faire ce qu'il peut pour limiter les enqu�tes sur des affaires sensibles�, note en entrevue Julien Coll, d�l�gu� g�n�ral de la section fran�aise de l'organisation. M. Coll pense que la cause sur les biens mal acquis pourrait mener � des r�v�lations potentiellement embarrassantes pour la France. �Il y a un pass� charg� entre notre pays et certaines ex-colonies o� la corruption est omnipr�sente�, souligne-t-il. L'organisation Survie, qui critique aussi les liens opaques de Paris avec ses anciennes colonies, esp�re que l'information judiciaire permettra d'�valuer pr�cis�ment l'ampleur des d�tournements de fonds et m�nera � une remise en cause durable des relations existantes avec des �chefs d'�tats pr�dateurs�. Bien que la d�cision cr�e un pr�c�dent important pour les ONG, M. Coll ne pr�voit pas une multiplication tous azimuts des causes de m�me type dans un avenir rapproch�. �On ne va pas le faire � la l�g�re�, note le porte-parole qui insiste sur l'importance des ressources humaines et mat�rielles requises pour �toffer des dossiers de d�tournement de fonds. L'intervention de la Cour de cassation soul�ve des espoirs consid�rables en Afrique, o� plusieurs m�dias se r�jouissent de la perspective de voir les dirigeants corrompus mis � l'�preuve. �On s'achemine peut-�tre vers la fin de l'�poque o� bien des chefs d'�tat africains, � l'image du roi Cr�sus, faisaient la pluie et le beau temps, sous le regard envieux et impuissant de leur peuple.� LSC Les chefs d'�tat cibl�s ? Gabon. Omar Bongo et son fils. Omar Bongo, qui a toujours entretenu des liens �troits avec la France, a men� le pays sans discontinuer de 1967 jusqu'� sa mort en juin 2009. Il a �t� remplac� quelques mois plus tard par son fils, Ali Bongo, � l'issue d'un scrutin d�crit par l'opposition comme un �coup d'�tat constitutionnel�.Ses d�tracteurs lui reprochent d'avoir longtemps g�r� le pays comme s'il s'agissait d'une propri�t� priv�e. Une enqu�te pr�liminaire men�e il y a quelques ann�es dans le cadre de l'affaire des biens mal acquis a d�termin� que le pr�sident gabonais et ses proches d�tiennent en France 39 propri�t�s, 70 comptes de banque et une dizaine de v�hicules de luxe. Congo-Brazzaville. Denis Sassou-Nguesso. Le pr�sident du Congo-Brazzaville, Denis Sassou- Nguesso, est arriv� au pouvoir pour la premi�re fois il y a une trentaine d'ann�es. Bien que le pays soit l'un des principaux producteurs de p�trole de l'Afrique subsaharienne, la vaste majorit� de la population vit dans la pauvret�. L'enqu�te pr�liminaire d�j� men�e dans le cadre de l'affaire des biens mal acquis a d�montr� que le chef d'�tat et ses proches d�tiennent 18 propri�t�s, plus d'une centaine de comptes bancaires ainsi qu'une voiture de luxe. Le dirigeant africain a d�crit il y a quelques ann�es les plaignants comme des �bourgeois� qui n'ont �peut-�tre jamais mis les pieds au Congo�. Guin�e �quatoriale. Teodoro Obiang. Le pr�sident de la Guin�e �quatoriale, Teodoro Obiang, est arriv� au pouvoir par les armes � la fin des ann�es 70. Il est r�guli�rement montr� du doigt par les organisations de d�fense des droits de l'homme, qui lui reprochent de r�primer avec brutalit� toute opposition et de d�tourner les richesses p�troli�res du pays. L'enqu�te pr�liminaire men�e en France dans l'affaire des biens mal acquis indique qu'il d�tient une propri�t� de luxe ainsi qu'une dizaine de voitures d'une valeur de pr�s de quatre millions de dollars. Son fils T�odorino est dans le collimateur d'ONG am�ricaines qui l'accusent d'avoir achet� avec des fonds d�tourn�s une propri�t� de luxe � Malibu ainsi qu'un jet priv�. Une premi�re juridique d'importance consid�rable Cette d�cision de la Cour de cassation constitue une premi�re juridique consid�rable, qui va au del� d'ailleurs des �biens mal acquis�. Car si les plaintes de ce type sont d�sormais recevables, cela va permettre de surmonter l'inertie du parquet dans certaines affaires politico-financi�res sensibles. C'est pour cela que William Bourdon, le c�l�bre avocat des droits de l'homme, parle de �br�che judiciaire �. Concr�tement, dans l'affaire des �biens mal acquis�, une information judiciaire va pouvoir �tre ouverte et un juge d'instruction saisi. Ce juge ind�pendant va devoir d�terminer dans quelles conditions le patrimoine fran�ais des pr�sidents gabonais, congolais et guin�en a �t� acquis. Cette enqu�te devrait aussi permettre de faire toute la lumi�re sur le r�le jou� par certains interm�diaires qui auraient pu faciliter la r�alisation de ces acquisitions. On peut penser notamment aux �tablissements bancaires d�j� identifi�s par la premi�re enqu�te de police r�alis�e en 2007. Aujourd'hui, le juge d'instruction va devoir v�rifier si ces banques ont bien respect�es la loi anti-blanchiment. Il n'est pas impossible, et c'est ce qu'esp�re Transparency France, qu'au final, l'instruction d�bouche sur la mise en �uvre effective du droit � restitution : les biens seraient rendus aux pays concern�s. Le travail du juge d'instruction va �tre � pr�sent de rechercher comment ces biens ont �t� acquis, puisque ces trois dirigeants africains exposent qu'ils ont des revenus modestes. Col�re des avocats de la d�fense Les pr�sidents du Gabon, de Guin�e �quatoriale et du Congo-Brazzaville soutiennent que ce patrimoine d�tenu en France a �t� acquis le plus l�galement du monde et ils mettent au d�fi l'ONG Transparency France de prouver qu'il s'agit de biens mal acquis. Olivier Pardo, l'avocat de Teodoro Obiang, le pr�sident de Guin�e �quatoriale, est particuli�rement remont�, il parle d'instrumentalisation. Cet avocat a d'ailleurs d�pos� une plainte pour d�nonciation calomnieuse. Pour cet avocat, l'action de l'ONG anti-corruption rel�ve surtout du coup m�diatique. Olivier Pardo soutient que l'ONG a proc�d� par amalgame en m�langeant tout, et, ajoute-t-il, cette association, qui n'a de transparent que son nom, �s'�rige dans une sorte de n�ocolonialisme arrogant et insupportable�. Vous l'avez compris, la bataille dans les pr�toires sera �pre... Pour Olivier Pardo, avocat du pr�sident Obiang, �maintenant, il va falloir d�montrer preuve � l'appui que ce qu'ils disent est vrai ; leurs intentions ne sont que m�diatiques et non judiciaires...� *Un patrimoine consid�rable Le patrimoine le plus important c'est celui du clan Bongo. Si l'avocat d'Ali Bongo assure qu'il ne poss�de rien en France, la police a recens� 39 propri�t�s luxueuses, 70 comptes bancaires et une dizaine de v�hicules de luxe, dont certains pay�s avec des ch�ques du Tr�sor public gabonais. Le patrimoine du pr�sident du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, est �galement bien fourni : 24 propri�t�s selon la police et 112 comptes bancaires. Terminons cet inventaire par le patrimoine du pr�sident de la Guin�e �quatoriale : un seul logement recens� mais par contre de nombreux v�hicules de luxe, deux Ferrari, deux Bugatti, deux Maserati, une Rolls-Royce et quelques Mercedes. *Crises diplomatiques en perspective... Les tensions pourraient rapidement appara�tre et pourraient d�boucher sur une v�ritable brouille diplomatique entre Paris et ses trois partenaires africains, � l'image de ce qui s'est produit avec l'Angola lorsque la justice fran�aise a poursuivi son ambassadeur Pierre Falcone pour trafic d�armes. Et il ne faut pas perdre de vue non plus que ces trois pays sont des partenaires �conomiques importants. Ce genre d'affaire pourrait pousser le Gabon, la Guin�e �quatoriale et le Congo-Brazzaville � tourner le dos � la France. Or, ces trois pays sont parmi les plus gros producteurs de p�trole d'Afrique subsaharien