Le chef de l'Etat n'a pas mené à bien ce grand chantier. Le désormais bras de fer politico-judiciaire, qui oppose le Président de la République à son ancien chef du gouvernement, pose avec acuité le problème de l'indépendance de la justice et, partant, remet sur le tapis la question d'une réforme engagée par Bouteflika lui-même au lendemain de son investiture à la magistrature suprême. En effet, du fait de la dénonciation par des magistrats de la procédure employée pour empêcher coûte que coûte l'officialisation de la candidature de Ali Benflis à la prochaine élection présidentielle, c'est toute la crédibilité de l'institution judiciaire qui s'en trouve sujette à débat. En tout état de cause, les observateurs de la scène nationale auront constaté tout le zèle dont ont fait montre certains fonctionnaires de l'institution judiciaire pour gagner la course contre la montre pour stopper la machine FLN. Autant de comportements qui mettent en doute le principe de l'indépendance de la justice, pourtant, l'un des credo de la réforme engagée en 2000. Autant dire donc que les multiples mouvements dans le corps des magistrats et autres circulaires garantissant les droits des prévenus n'auront pas servi à grand-chose. Dans le cas du FLN, on mesure tout le chemin qui reste à parcourir pour garantir le principe de l'indépendance de l'institution judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif, notamment lorsque l'enjeu est éminemment politique. Cela dit, si le chef de l'Etat et l'actuel chef du gouvernement, tous deux acteurs de la réforme, insistent sur les avancées constatées sur le terrain en matière de fonctionnalité de la justice en Algérie, il n'en demeure pas moins qu'en n'écoutant pas les protestations de nombreux magistrats dans le cas du FLN, ils participent directement ou indirectement à décrédibiliser leur propre travail. Aussi, ce précédent politico-judiciaire constitue-t-il une régression dans la marche de l'institution judiciaire vers son indépendance. Plus encore, on est à même d'affirmer que la réforme est réellement dans une impasse. Un état de fait qui rouvre grandes les portes à certains comportements qu'on croyait en voie d'extinction, du fait justement des premiers pas engagés dans le sens de la réforme de la justice. L'épisode de ce week-end prouve, si besoin est, que la justice est encore très loin de recouvrer une véritable indépendance digne de ce nom. On en est encore aux discours vides de sens concernant cette question précisément. Il est clair, enfin, que le chef de l'Etat n'a pas mené à bien ce grand chantier, inclus pourtant dans son programme électoral.