L'extradition de Nacer Hamani, un obscur terroriste du GIA qui a été remis par la France aux Algériens, est-elle une opération sans lendemain? A Alger, les observateurs s'interrogent sur la différenciation opérée en Europe entre «lampistes» du GIA et chefs de file de l'islamisme algérien. La célérité avec laquelle Nacer Hamani a été extradé par la France vers l'Algérie soulève quelques interrogations légitimes sur le bien-fondé de ces opérations. Hamani, impliqué dans les réseaux parisiens du GIA de Boualem Bensaïd et lyonnais de Khaled Kelkal, est considéré comme un «petit poisson» par les connaisseurs en matière de lutte antiterroriste. La rapidité d'exécution de cette extradition par la justice française, la fermeté du ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, l'épuisement rapide des recours introduits par les avocats de ce terroriste et la décision expéditive du Conseil d'Etat français, relayé par la Cour européenne de justice, incitent à une réflexion plus approfondie sur le dossier sensible des extraditions des terroristes vers l'Algérie. Le tout est de savoir pourquoi. Les demandes algériennes dans ce sens, adressées à différents pays européens, ont été soigneusement rangées dans les tiroirs des parquets européens. Les pays de l'UE, qui abritaient les principaux commanditaires du terrorisme en Algérie invoquaient, à différentes reprises, «la situation des droits de l'Homme en Algérie», l'instabilité politique, les «risques» qu'encourent les terroristes livrables ou encore l'absence de textes juridiques adéquats qui justifieraient ces extraditions. Toutes ces raisons dissimulaient, en fait, un souci politique de maintenir les contacts avec les islamistes algériens présents en Europe en contrepartie d'un arrêt des violences contre les étrangers résidant ou travaillant en Algérie (personnel consulaire, industriels, hommes d'affaires...), ou encore de «protéger» ces mêmes islamistes qui demeurent une carte de pression politique aux mains des gouvernements européens à l'égard du pouvoir algérien. C'est ainsi que dans chaque pays d'Europe, des têtes de pont du terrorisme en Algérie ont réussi à bénéficier de tous les avantages possibles et imaginables par le droit européen. Sur le plan politique, une liberté de parole et donc de propagande justifiée par une liberté d'expression modulable. Sur le plan économique, des allocations sociales, des appartements et des emplois pour ces islamistes et des membres de leurs familles alors que les services de renseignements européens fermaient les yeux quant aux activités de ces islamistes qui levaient tranquillement des fonds pour le «djihad». Enfin, sur le plan juridique, lorsque chaque réfugié islamiste bénéficiait de divers titres de séjour, asile politique, résidences ou statut de réfugié politique avec ce que cela suppose comme avantage. C'est cette ambiguïté européenne qui a fait réagir le Président Bouteflika depuis le Cap, en Afrique du Sud, en indiquant que «nous (les Algériens. Ndlr) sommes aux portes de l'Europe et beaucoup de pays européens sont des sanctuaires pour les leaders terroristes». Ce qui, dans la bouche du Président algérien, peut paraître paradoxal lorsque au même moment un terroriste du GIA se faisait extrader, pour la première fois, depuis Paris. Cette réaction est, en somme, tout à fait logique lorsqu'on examine le listing des terroristes islamistes qui demeurent en Europe. La Grande-Bretagne abrite Dnidni, Moussa Kraouche, Djaffer El-Houari, Qamaredinne Kherbane ou Abou Anas, pour ne citer que les figures de proue, en plus de centaines d'éléments du GIA/Gspc qui ont trouvé refuge à Londres. Paris détient dans ses geôles d'autres noms importants de l'islamisme recherchés en Algérie. La Suisse abrite les Mourad Dhina, Abbes Aroua, Mustapha Habbes ou Ouchene. La Belgique, l'Allemagne ou le Benelux se trouvent des noms connus comme Abdelkrim Ould Adda, Ghemati, Rabah Kébir, les fils de Abassi Madani et bien d'autres encore. Et si on élargit le champ des «extradables» on peut même citer les Etats-Unis avec le cas d'Anouar Heddam qui jouit d'une liberté inquiétante alors que les Américains prônent la lutte à outrance contre les filières terroristes. La liste, qu'auraient transmise les Algériens, est bien arrivée à tous les partenaires occidentaux. Ces derniers connaissent les revendications algériennes dans le domaine des extraditions et attendent pour voir si les promesses européennes seront suivies de fait. Le cas de Hamani n'est qu'une péripétie qui concerne d'abord la France qui a eu l'idée d'extrader un terroriste indésirable ayant purgé une peine de 6 ans de prison. Une extradition qui ne serait qu'un coup médiatique si elle n'etait pas suivie par d'autres extraditions plus significatives.