A Madrid, Paris, Bonn, Londres et Rome, la machine judiciaire ainsi que celle des services de sécurité ont fonctionné à plein régime, en fin de semaine. De lourdes peines ont été prononcées à l'encontre des membres du gang de Roubaix, dans le nord de la France. Omar Zemmiri, Mouloud Boughelane et Hocine Bendaoui, outre les affaires de braquages et la tentative d'attentat à la voiture piégée contre le commissariat central de Lille, étaient membres d'un réseau qui avait servi dans les rangs de l'armée du gouvernement musulman en Bosnie et avaient été en relation avec des groupes islamistes. Les lourdes peines dont ils ont écopé, entre 18 et 28 ans de réclusion, renseignent sur la nouvelle attitude de la police française face aux réseaux GIA. L'extradition de Nacer Hamani vers l'Algérie dénote aussi l'empressement nouveau de la justice française à se débarrasser des islamistes algériens vivant sur son sol. Tout le fichier des personnes, de profil algérien, activistes ou non, est passé au peigne fin par les agents de la DST et de la Dgse. Le «réseau italien» de Djamel Lounici est passé, lui aussi, devant le tribunal. Arrêté en Italie en 1995, Lounici a été condamné à dix ans de réclusion criminelle. Le cerveau du réseau de trafic d'armes à travers l'Europe au profit du GIA a séjourné en prison, à Naples, du 12 mai 1995 au 23 décembre 1997, avant de «bénéficier» d'une résidence surveillée chez son beau-père, Othmane Deramchi, près de Milan. La justice italienne a prouvé, sur la base d'écoutes téléphoniques, qu'il existait, de la part du groupe Lounici, «une volonté réelle de s'opposer, par la violence, au régime algérien». En Espagne, la police antiterroriste travaille d'arrache-pied sur le fichier algérien en sa possession. Objectif: la neutralisation des éléments actifs ou dormants du GIA et du Gspc sur son sol. Généralement, ces réseaux algériens gravitent autour des mosquées et des centres islamiques à Madrid, Cordoue, Grenade, Valence et Alicante, mais il arrive qu'ils activent «hors circuit». Après l'incarcération de Mohamed Bensakhria, cet été, puis celle des six éléments qui avaient affirmé leur affiliation au Gspc, la police espagnole pense que ceux qui activent encore sur son territoire sont plus importants de par leur nombre, d'après les informations en sa possession. La Belgique, qui a été jusque-là très avare en matière de traitement du dossier des islamistes algériens, devient prolixe et très entreprenante. Le GIA belge, Groupe intervention antiterroriste, et les polices spécialisées ont fourni des données inimaginables aux fichiers Schengen, Europol et Interpol. De son côté, une source londonienne affirme que Scotland Yard et sa section spécialisée dans les dossiers islamistes sont en train de mettre sur pied une véritable «typonomie humaine», mégafichier de tous les islamistes, afin de procéder à l'extradition des plus «turbulents» d'entre eux vers leur pays d'origine. Ces contacts intenses entre les polices européennes, qui interviennent après l'incarcération de Kamel Daoudi et Djamel Beghal, inculpés en France pour «association de malfaiteurs en vue de préparer un acte terroriste», reflètent l'impérieuse nécessité de se prémunir, d'abord, contre une éventuelle attaque et de répondre, ensuite, à la demande américaine expresse de combattre tous les réseaux activant en Europe. Pour l'Algérie, ces efforts viennent un peu en retard et sont loin d'être suffisants. Une trentaine de demandes d'extradition reste en souffrance, et le mal fait, en Algérie depuis les premières demandes introduites en ce sens, a été énorme. Les réseaux de trafic d'armes, qui ont circulé à travers l'Europe de l'Est et de l'Ouest, ont alimenté la guérilla en Algérie. Les groupes des GIA et du Gspc continuent à tuer avec des armes qui ont transité par Bruxelles, Amsterdam, Bonn et Alicante. Il y avait peut-être d'autres façons plus directes de prononcer son mea culpa. Mais bon, l'Algérie se contente de cela. L'Europe a fait, après le 11 septembre, son examen de conscience et reconnaît ses errements. Dans un chuchotement. Sur la pointe des pieds.