Le capitaine malien Amadou Haya Sanogo est sorti de l'ombre à la faveur du putsch de jeudi qui l'a installé comme chef de la junte, mais il avait été sanctionné l'an dernier avec certains de ses camarades putschistes après un bizutage meurtrier. Agé d'une quarantaine d'années, natif de Ségou (240 km au nord-est de Bamako), le tombeur du président Amadou Toumani Touré (ATT) est un produit du Prytanée militaire de Kati, école à une quinzaine de kilomètres au nord de la capitale, et dont le camp est désormais le quartier général du nouveau pouvoir. L'officier de taille moyenne et à la voix rauque, dont la télévision publique ORTM (tenue par les putschistes) a révélé la silhouette sportive, a été vu ces derniers jours vêtu d'un maillot de corps comme en portent les chasseurs traditionnels «dozos »: ce vêtement est censé être doté de pouvoirs magiques qui protègent celui qui le porte. Populaire parmi les hommes de Kati, à qui il dispensait des cours d'anglais, l'homme au béret vert a accroché un badge des Marines américains à son uniforme, rappel de ses séjours aux Etats-Unis. Son cursus a en effet une particularité, qui n'a toutefois pas empêché Washington de rapidement condamner le renversement du régime Touré: il a raconté avoir participé à plusieurs programmes de formation aux Etats-Unis, entre autres à la base des Marines de Quantico, en Virginie (est). Selon la presse américaine, qui cite le Département d'Etat, le capitaine Sanogo a effectué des séjours aux Etats-Unis en 2004-2005, 2007-2008 et en 2010, notamment pour être formé comme professeur d'anglais. Il a également assisté à des réunions militaires internationales, notamment une au Maroc sur l'antiterrorisme. Part d'ombre du capitaine: son parcours a été marqué par un bizutage mortel survenu en octobre 2011 à l'école militaire de Koulikoro, près de Bamako. Cinq élèves-officiers étaient morts à la suite de sévices. «Bande d'aigris » Le chef de la junte était à l'époque instructeur à Koulikoro, a raconté un cadre de l'école. Il n'était pas là «le jour où les faits se sont passés, mais puisque tout le personnel d'encadrement a été sanctionné après l'affaire, Sanogo aussi a été sanctionné ». Dans son entourage figurent trois militaires faisant l'objet d'une procédure judiciaire dans cette affaire, indique une source diplomatique africaine. La crise touareg au Nord, invoquée comme raison du putsch, «est une excuse bidon, c'est une bande d'aigris », affirme un militaire malien hors du pays depuis 2011. Le capitaine Sanogo et ses camarades «vont essayer de régler des comptes. Tous ceux qui peuvent entraver son pouvoir, il va demander de les arrêter. Ca a déjà commencé », assure un militaire pro-ATT. Les personnalités qui l'ont rencontré depuis sa prise du pouvoir le décrivent souvent comme «attentif » aux propos de ses interlocuteurs. Mais un diplomate estime qu'il ne prend pas de décision seul, préférant consulter ses proches. Pour l'heure, le chef du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE, junte) n'en a guère dit sur ses intentions, à part s'engager à remettre le pays sur les rails et à rendre le pouvoir aux civils. Un de ses collègues raconte en tout cas l'avoir entendu dire un jour que s'il devait faire de la politique, il serait «un homme de gauche ». Plusieurs fois père, fan de foot et de sport en général, il est présenté comme «pas sérieux » par des militaires qui l'ont côtoyé, et par des copains de promotion comme un séducteur et un fêtard.