Le secteur de l'enseignement est dans tous ses états. La grève, qui a tendance à durcir, entre dans sa seconde phase. Celle qui semble la conduire vers une action illimitée. Le Cnapest a su fédérer le mécontentement des uns et des autres, et les autres syndicats n'ont plus d'autre choix que de se plier à la logique de la protestation. Les syndicalistes du secondaire, face aux épreuves et devant l'«escalade» annoncée, lorgnent du côté de leurs collègues des autres paliers moyen et primaire, leur demandant de se solidariser avec eux. L'appel risque fort d'être entendu et la situation de se compliquer. Contactés, des groupes d'enseignants font part de leur incompréhension. «Nous ne sommes pas payés, disent certains, depuis le mois d'août, on nous dit qu'une erreur technique s'est glissée dans les listes de certains enseignants, bref nous sommes sans le sou et à la veille de Ramadan!» Pour d'autres, c'est apparemment plus grave: «Nous sommes les fameux vacataires intégrés, près de 800 d'entre nous n'ont pas encore reçu de salaire depuis bientôt une année!» Un syndicaliste s'invite à la discussion et de citer les diverses sources de problèmes. «Aucun enseignant n'a encore perçu ni prime ni rappels encore moins le paiement des heures supplémentaires. Sans oublier que des gens ayant assuré des suppléances ne sont pas encore payés, depuis maintenant deux ans! Et si c'était le personnel de la direction de l'éducation qui n'était pas payé, ou encore le directeur lui-même, comment réagiraient ces gens-là?» Un fait est certain, la situation est tellement tendue que l'on s'attend à ce que ce ras-le-bol rejoigne le camp des grévistes et alors les choses se compliqueraient encore plus. Une enseignante, mère de famille et n'ayant que son salaire comme ressource pour sa famille, s'approche de nous et nous lance furibonde: «Dites dans votre journal que le pauvre enseignant ne peut plus se soigner. Il n'a plus rien à donner. Au moment où je vous parle, je vous assure que je vis d'expédients. J'emprunte ici et là, mais cela va durer jusqu'à quand?» Le plus âgé du groupe d'enseignants venu jusqu'au bureau du journal à Tizi Ouzou parle difficilement: «Il est triste d'en arriver là», commence-t-il. «Arriver à supplier les responsables de nous donner nos maigres salaires avant le Ramadan. Je n'ai jamais connu une période pareille. Quand on sait que dans d'autres wilayas, les salaires sont versés à temps. C'est tout simplement révoltant. A moins que l'on fasse exprès pour que les gens bougent.» Et cela ne saurait tarder. Triste époque, quand les instituteurs et professeurs, dispensateurs d'éducation et de savoir, sont déconsidérés et réduits, pour la plupart, au rang de «mendiants». De quelle culture peut-on parler? Pourquoi évoquer le niveau, la qualité de travail, quand l'instituteur, ce père ou cette mère de famille, est réduit à guetter le moment où ses quelques dinars lui seront enfin versés. Aucune excuse ne semble recevable, il y a vraiment de quoi se dire : l'«école existe-t-elle encore?»