«Voyant mon film, je peux dire qu'il y a de la compassion et beaucoup d'humanité», a indiqué le réalisateur. Couronné du Prix de la meilleure actrice au festival de San Sébastian en 2010 et de 9 Goyas dont le Prix du meilleur réalisateur et meilleur film en 2011, le film Pain noir du réalisateur espagnol Agust Villaronga a subjugué le public mardi soir à la salle Cosmos dans le cadre des Journées du film méditerranéen baptisées MediterraCiné. Dans les années qui ont suivi la guerre civile en Espagne, un meurtre commis dans un petit village de catalogne, remue de terribles secrets. Un homme est injustement accusé et son jeune garçon, Andrieu, décide alors de trouver les tueurs pour disculper son père. Habitué aux films fantastiques, dans Pain noir, le réalisateur dresse un tableau plutôt sombre de la vie et de ce village ponctué de traîtrise, de misère et d'amertume. La violence la dispute à la naïveté de l'enfance qui est confrontée malgré elle à la diablerie des hommes, leur bestialité, leurs vilénie et cruauté. Pain noir renvoie à la noirceur de l'existence de ces personnages, perdus entre mensonge et vérité bafouée. Qui dit vrai? La nature humaine est ici perfide et terrible. Le faible est puni. Les enfants sont même délestés de leurs ailes d'ange très tôt face à la mocheté de la vie, de leurs maisons, la tristesse de leurs parents. Seule reste la beauté des paysages et ce jeune éphèbe pas complètement comme les autres et donc banni de la communauté. Etrangement, ce titre du film, Pain noir fait écho dans notre tête et nous renvoie à ce film, Pain nu du réalisateur algérien Rachid Benhadj et dont l'histoire, adaptée du roman de Mohamed Choukri est aussi celle d'un garçon sans pain, sans tendresse, qui transforme son destin grâce au pouvoir de l'écriture. Ici dans Pain noir il est aussi question à la fin d'enfant recueilli par une richissime femme. Il est en quelque sorte sauvé en entrant à l'école pour suivre des études et échapper à une condition certaine d'ouvrier ou de paysan. Un garçon dont le visage ne peut laisser indifférent. Tout comme celui des autres acteurs qui crèvent l'écran. Mais la violence sous-jacente ou directe est là immanquablement, car faisant face à la bonté d'une maman au grand coeur, au sacrifice du père et à l'innocence du petit qui deviendra grand bien malgré lui. Violence physique ou sociale, elle traverse le film et c'est ce qui le rend irrésistiblement et impuissamment beau et poétique car décrivant une souffrance souvent pointue et viscérale, accompagnée de tragédie et frustration infantile. «J'essaye de montrer ce qu'il y a de mauvais dans la guerre. Ce n'est pas amusant. Voyant mon film, je peux dire qu'il y a de la compassion et beaucoup d'humanité dans le film» a indiqué le réalisateur lors du débat, estimant auparavant qu'il «n'y a pas de héros dans ce film. Il y a des gens, bien que le père le devient à la fin.. C'est pour cela que j'ai voulu le faire. Lidée du film est que tu peux perdre ta maison, tes parents, mais le pire est de perdre son idéal...». très labyrinthique comme récit, Pain nu nous plonge en effet dans les dédales de l'enfance qui découvre le monde des adultes à la fois avec consternation et dégoût. A propos de la violence dans ce film, Agust Villaronga avouera que le film commence réellement suite à cette scène d'émasculation. «C'est là le début du film. Après, on est emporté dans une spirale de violence». Côté écriture, le réalisateur fera remarquer que le scénario a été écrit à Cuba, d'où cette forte inspiration par la misère. Le tournage, quant à lui, a duré huit semaines. Long métrage fabuleux inspiré de romans, Pain noir nous renvoie à notre propre nature humaine parfois sadique ou conciliatrice, bonne ou mauvaise. Une belle prouesse cinématographique qui met de côté la guerre pour s'intéresser de plus près des gens.