Khairat Al Chater, candidat à la présidentielle égyptienne, estime que «tous les aspects de la vie doivent être régis par l'Islam» En proposant à la candidature présidentielle l'un de leurs dirigeants, les Frères musulmans égyptiens ont brouillé les cartes et redistribué celles-ci. À une semaine de la clôture des inscriptions à l'élection présidentielle qui doit se tenir fin mai, les Frères musulmans égyptiens rompent le pacte. Ils ont finalement décidé de présenter un candidat à l'élection, et c'est le député Khairat Al-Chater qui a été désigné, par la confrérie islamiste. Alors que les élus islamistes dominent la nouvelle Assemblée constituante, voilà que la liste des candidats à cette présidentielle vient enfoncer l'avenir démocratique de ce pays, clamé par les initiateurs de la révolte du Nil. M.Al-Chater devrait affronter notamment le salafiste Hazem Abou Ismaïl, partisan d'un islam rigoriste, l'ex-secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa et l'ex-membre des Frères musulmans Abdel Moneim Aboul Foutouh. Ces candidats sont-ils à l'image du pays? Répondent-ils aux attentes du peuple? Une chose est sûre, l'Egypte file du mauvais coton. Cette certitude n'a absolument rien à voir avec le risque que ce pays plonge dans un islamisme qui appliquerait la chari'â. Même si ce scénario ne répond guère à l'image d'une société égyptienne généralement modérée. Si ce scénario était improbable au début de la révolte de la place Tahrir, les choses ont, depuis, évolué et le risque d'une Egypte «islamiste» reste grand. C'est en fait la structure culturelle et confessionnelle de la société qui est alarmante. Avec une population composée d'environs 10 millions de Coptes, en plus des courants laïcs et démocratiques qui existent au sein de la population musulmanes, un violent clash risque d'opposer les deux courants. Notons que l'ensemble des courants laïc et copte ont quitté la commission constitutionnelle, laquelle devait travailler à la mise au point de la future Constitution. Un scénario à la «Soudan» est-il envisageable? Bien que nous n'en sommes pas là, il n'en reste pas moins que le risque d'exclusion existe au regard dont les Frères musulmans et les salafistes gèrent leur victoire aux législatives. Le Soudan, un pays qui avait une large minorité chrétienne, n'imposa pas moins la char'â mettant à mal la cohabitation entre les deux ethnies du pays qui vécurent des décennies de guerre civile avec à l'arrivée la partition du Soudan. Cette situation est certes improbable en Egypte, mais à tirer sur la ficelle, cela risque de casser. En Egypte les partis laïcs redoutent que la mainmise des islamistes sur la commission chargée de rédiger la future Constitution - avec à sa tête le controversé dirigeant des Frères musulmans, Saad Al-Katatni, actuel président de l'Assemblée du peuple (chambre des députés)- ne leur permette de produire une Constitution privilégiant leurs objectifs politico-religieux, comme renforcer la référence à la chari'â. A ce tableau vient donc s'ajouter le coup de théâtre des Frères musulmans qui n'ont pas respecté leurs promesses de soutien à un candidat de consensus, eux-mêmes n'en présentant pas. Après avoir fait main basse sur l'Assemblée du peuple et la commission chargée de rédiger la future Constitution égyptienne, les Frères musulmans se lancent dans la course à la présidence du pays. Avant même d'avoir entamé sa campagne, Khairat Al-Chater qui a été désigné par le conseil consultatif du mouvement pour briguer la tête du pays fait, selon les médias locaux, déjà figure de favori du scrutin dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai. Cerise sur le gâteau: tout en se revendiquant islamiste modéré et moderniste, Khairat Al-Chater entretient de bonnes relations avec le courant salafiste adepte d'un islam rigoriste et qui honnit l'Occident. Côté idéologie, Khairat Al-Chater se présente modéré et pragmatique, même si, selon lui, «tous les aspects de la vie doivent être régis par l'Islam».