Le pianiste franco-serbe «ambassaseur du jazz algérien dans le monde» Le jazz algérien a été mis à l'honneur avec brio grâce à Salim Fergani, Sinouj, Kheireddine M'kachiche, Madar, Kawthar Meziti, Arezki et Ahmed Bouzid. La salle Ibn Zeydoun a abrité lundi dernier un concert des plus singuliers où différents musiciens se sont mélangés afin de célébrer ensemble la Journée internationale du jazz telle que décrétée par l'Unesco. Aussi, le ministère de la Culture a confié à l'Aarc la célébration de cette première Journée internationale du jazz dans notre pays en conviant le fameux pianiste franco-serbe à se produire à Alger en compagnie de ses amis qui se sont déchaînés sur leurs instruments donnant à écouter dans une parfaite osmose un beau mélange et fusion orientalo-jazz. Bojan Z., chemise rouge entre sur scène pour interpréter un solo au piano. Une sorte de medley de ses compositions dont le plus connu The joker en un court extrait. «Il y a 11 ans sur cette même scène, j'ai joué avec Karim Ziad. C'était une expérience inoubliable», déclare Bojan Z devant une assistance nombreuse. Et le groupe algérois Madar de faire son apparition. Premier morceau joué est Cirta de Amine Hamrouche. Un titre réalisé dans le cadre d'un atelier au Festival Dimajazz de Constantine à la grande notoriété et dont cette année va durer 10 jours à l'occasion de sa dixième édition! La sauce est menée brillamment pour rehausser la douceur du violon et le côté feutré du piano sans oublier l'instant percussif de la batterie bien maîtrisée par Nazim Benkaci. Place à une chanteuse invitée en la personne de Kawtar. Celle-ci reprendra à sa manière un titre issu du patrimoine andalou qu'elle revisitera de sa voix cristalline en conférant à ce morceau Raayet Eriyad un aura d'un autre temps. Elle est accompagnée par Ahmed au piano et un saxophoniste. Des envolées lyriques qui finissent par embaumer la salle et l'envelopper dans un nuage envoûtant. Bojan Z est au clavier cette fois dialogue avec les volutes du sax. La voix aérienne continue son voyage pour tenter de gagner les cimes de ces notes de plaisir. Place au célèbre groupe de Constantine: Sinouj de feu Aziz Djemam avec notamment Kheireddine M'kachiche au violon, Najib Gamoura à la basse, à la place de Amar Zahi l'éternel Kheireddine Dehkal à la guitare. Ajouter à cela l'excellent violoniste, Kim Kim à la batterie et un musicien à la derbouka. Manque Pablo Hernandez au saxophone. Le groupe jouera quelques titres phares de leur répertoire dont Majazz et Berablues qui veut dire berbere-arabe-blues. La rencontre entre le jazz et le malouf trouve son apogée avec ce projet réalisé en 2009 avec Salim Fergani au luth. Sur ce projet, les deux styles se chevauchent sans réellement fusionner, le piano de Bojan Z.dialogue avec le violon de Kheireddine M'kachich. Cela semblait être une éternité avant que Salim Fergani ne reprenne son tour de chant en interprétant «Ayoha Essabi». Bojan invite Arezki au sax pour clore en beauté cette soirée avec le fameux Joker que tous les Algériens connaissent. «Le jazz n'est pas une musique que vous voyez quand vous allumez la tété. C'est un métissage, une musique africaine qui s'est mélangée sur le sol américain. Ce mélange-là a semé la confusion. On a dit que c'était une musique pour danser, après pour réfléchir... Quand je vois la musique algérienne avec sa tradition je constate qu'elle est diversifiée et forte. Et si je pouvais aider les musiciens algériens à s'exprimer au mieux de nous-mêmes, je le ferai sans hésiter», a confié sous une salve d'applaudissements Boayn Zulficarpasic qui a été nommé par l'Aarc «ambassadeur du jazz algérien» dans le monde, après qu'il ait reçu un tableau honorifique des mains d'une représentante de l'Aarc. Né en 1968 à Belgrade, ce pianiste de renommée mondiale a reçu de nombreuses distinctions: Prix du meilleur musicien de jazz yougoslave (1989), Premier prix de soliste de jazz au concours de la Défense à Paris (1990), Prix Django Reinhardt, Musicien de l'année de l'Académie du Jazz (2002), Prix du meilleur jazzman européen (2005), Meilleur CD aux Victoires de la musique 2007 pour son album «Xenophobia»... Ayant étudié la musique à Belgrade puis le jazz aux Etats-Unis et en France, il a plusieurs albums à son actif, tous marqués par le succès. Aussi, le public a été convié à une belle soirée musicale placée sous le signe du mélange et du partage dans une veine particulièrement arabo-orientale mêlée aux notes endiablées du jazz. Preuve que le jazz algérien entretient des relations artistiques et humaines étroites avec le jazz maghrébin, arabe, africain et méditerranéen auxquels il appartient. Langage universel, le jazz s'intéresse aujourd'hui à presque toutes les musiques du monde, des plus traditionnelles aux plus modernes. Bien que l'énergie soit au rendez-vous, ne manquait que ce zest de folie par moment, celui de l'improvisation par lequel le jazz prend tout son sens. Le seul bémol qu'on pourrait relever.