La seconde édition du Festival de jazz de la capitale a pris son envol mercredi soir dans une folle ambiance. Beaucoup de monde s'est déplacé pour la première soirée du «Alger meeting jazz» à la salle Ibn Zeydoun. Plus de 500 places envolées comme des petits pains! C'est au groupe Madar que revient l'insigne honneur d'entamer le festival. Un groupe révélé au Festival Dimajazz de Constantine et qui, depuis, n'a de cesse de poursuivre son chemin. Cette aventure a été initiée à la suite d'une rencontre en octobre 2007 entre le violoniste Kheireddine M'Kachiche et le bassiste Nadjib Gamoura lors d'une résidence à Constantine organisée par l'association Limma. Avec Amine Hamrouche à la guitare et Nazim Benkaci à la batterie, les musiciens se constituent en groupe, Madar l'orbitre, découvert au Dimajazz 2008, avec au bout un live bien huilé. La musique de Madar est un savant mélange de musique contemporaine influencée par une culture certaine de l'Algérie profonde bien discernable. On y découvre des sonorités raï, naïlies, malouf orientales. Le groupe interprète plusieurs titres dont Algiers, Le vent du Nord, Harba, Cirta, Neseraf et puis Rahna. Entre ondulations algéroises façon jazzy et souffle percussif, l'instrumentation des quatre musiciens peine parfois à décoller, manque peut-être de cohésion. Le groupe se perfectionne au fil des concerts et compte pourtant déjà de nombreux fans. Dans un registre purement jazz, comme on aime, a été le groupe qui a suivi cette première partie. Mario Canonge Trio donne vite le ton. Dès les premières cinq minutes, le public ne se fait pas prier. Il exulte. Et pour cause, Mario Canonge est un génie du piano, relayé par ses deux compères, Linley Marthe à la basse et Jean-Philippe Fanfant à la batterie. Généreuse est la musique de ce trio, elle sonne vraiment club de jazz et vous entraîne loin d'Alger. Le public est emballé d'office. Très enthousiaste, il crie son bonheur en totale communion avec l'énergie monstre que dégage ce groupe. Le pianiste révèle: «Je viens de la Martinique, petite île des Caraïbes, pays de Frantz, Linley Marthes de l'île Maurice...» Le groupe entame par la suite un morceau appelé Mama d'leau sur un air de mazouka revisité, nous apprend - on, puis un autre morceau basé sur le «tambour». Les musiciens sont à bout de souffle et s'éclatent à fond. Cela a le mérite d'une grande standing-ovation de la part du public. Notons que Mario Canonge a le don d'adaptation facile à tous les styles musicaux, que ce soit du jazz, de la zouk ou de la salsa.. Il est à l'aise partout et cela s'en ressent. Le public en redemande! Ce trio chic et choc laissera une très belle impression à la suite de sa majestueuse prestation. Nerveuse, mais renversante et revigorante à souhait. Jeudi soir, rebelote, la salle Ibn Zeydoun accueille encore deux formations introduites par le directeur artistique de cet événement artistique phare de la saison, Adnane Ferdjioui. Tout d'abord, le groupe Sinouj, qui revient d'aplomb après s'être reformé et aventuré dans de nouvelles expériences musicales. Même si son nom est intiment lié au défunt Aziz Djemmam, son fondateur, Sinouj, orphelin du coup, est obligé de reprendre la route seul pour exister et c'est avec de nouveaux musiciens pour l'occasion, à savoir Najib Gamoura à la basse, le très bon Moustafa Lazli à la derbouka, Kheïreddine M.Kachiche au violon, Abdelkrim Mechaâr à la batterie, le tout orchestré autour du doyen Kheïreddine Dehkal à la guitare. L'âme jazz de Sinouj se veut, comme d'habitude, colorée, un mélange entre les notes bleues et les rythmes maghrébins et algériens, notamment de la ville des Ponts. On y décèle aussi du malouf, mais aussi du alaoui. Le groupe joue Majazz, Alger-Constantine, une composition du Belge Fabrizio Cassol du groupe Aka Moon et Berablues qui veut dire Bèrbère-arabe-blues. En somme, des titres qu'on connaît déjà. Le groupe invite par la suite à monter sur scène le saxophoniste Mohamed Mazouni. Quand la derbouka se lâche, elle invoque l'esprit de la mère Afrique, tandis que la batterie ne se réveille qu'à la fin du concert. La deuxième partie de la soirée est d'un autre niveau. Elle est emmenée par Fayçal Salhi au oud, lequel est accompagné de Christophe Panzani au sax, Vladimir Tores à la contrebasse, Thomas Nicol au violoncelle et Etienne Etienne Demange à la batterie et percussion. Fayçal Salhi and co-interprètent durant la soirée, une partie du premier album Timgad et des extraits en exclusivité du prochain album. La musique du Fayçal Salhi quintet est un vrai coup de grâce, un pur moment d'émotion, des morceaux qui nous transportent d'Orient à l'Occident et rend, notamment hommage au grand compositeur libanais Rabih Abou Khalil. Sommet du Hoggar, Hayat extrait de la BO du film La Maison, jaune de Ammor Hakkr, mais encore Penné à l'arabiata, sont autant de morceaux qui ne laisseront pas indifférentes l'assistance. La musique de Fayçal Salhi est un subtile voyage fait de poésie. Certains dans la salle évoquent même le mot extase en parlant de sa musique. Elle rappelle sans conteste à nos oreilles les vagues à l'âme d'un Mahmoud Darwich et les paroles d'amour doux-amer d'un Marcel Khalifa. Un jazz oriental insolite investi d'humour grâce à ce batteur qui joue avec ses doigts. Des gestes truculents et drôles à la fois, fantaisistes et habiles, notamment lorsque, assis à califourchon, il tape sur un instrument qui fait penser à la tabla indienne. Un pur moment de ravissement. «C'est la première fois que je me produis en Algérie. Je n'arrive pas à réaliser que je suis à Alger. J'espère qu'il y en aura d'autres en tout cas», a souligné, ému, Fayçal Salhi. Et le public, content, d'acquiescer un grand oui!