Le règne de Bouteflika n'a rien changé au statut de la télévision nationale qui incarne toujours le dernier rempart de l'unicisme. Le directeur de l'Entv, Hamraoui Habib Chawki, a annoncé lors de la célébration de la journée historique du 28 octobre 1963, que son entreprise accordera «le même temps d'antenne à tous les candidats qui se présenteraient à l'élection présidentielle de 2004». Voilà une promesse qui nous rappelle brusquement que l'apparition d'un homme politique sur l'écran de l'unique est si importante ! Comment quantifier dans ce cas, «les défilés incessants» de certains membres de l'actuel Exécutif ouvertement «accusés» par l'opposition de «rouler pour le président-candidat?» La tâche s'avère encore plus compliquée quand il s'agit de quantifier le temps d'antenne pris par le président-candidat lui-même. Du reste, la même promesse - accorder le même temps d'antenne aux candidats - nous replonge dans le bain de l'élection présidentielle de 1995 et celle de 1999. Durant ces deux échéances, et même avant, les partis politiques n'avaient pas cessé de revendiquer l'ouverture des médias lourds à l'opposition. A l'exception de la parenthèse 1990 et 1991 où l'Entv avait atteint son apogée en termes d'audience, la télévision nationale a toujours était une forteresse inaccessible aux voix dissonantes de celles des hommes au pouvoir. Aussi a-t-on remarqué l'apparition de certains leader politiques à la télévision pour soutenir un projet, appuyer une déclaration ou chanter les vertus du pouvoir en place. En revanche, d'autres figures ont disparu des écrans de l'Entv à l'image de Aït Ahmed, Taleb Ibrahimi, Hamrouche, Hachemi Cherif et Saïd Saadi, pour ne citer que ceux-là. A croire que nos dirigeants n'ont pas encore compris que ce n'est pas la télévision qui fait l'opinion, mais les leaders politiques, les intellectuels, les représentants des associations à caractère social et culturel qui influent le plus sur l'opinion. La brèche rouverte du temps de Zeroual s'est vite refermée avec l'arrivée du nouveau locataire d'El-Mouradia en 1999. Le règne de Bouteflika n'a rien changé au statut de la télévision nationale qui incarne encore le dernier rempart de l'unicisme. Par le monopole quasi exclusif exercé par les dirigeants sur la télévision, la mission de service public a été déviée de l'avis de plusieurs spécialistes et hommes politiques. Le débat reviendra certainement en surface, avec l'élection présidentielle de 2004. Il portera au tour de ses missions, de son statut et de sa fonction de télévision publique ou d'Etat, miroir de la société ou prisme déformant de la diversité et de la pluralité. Un éternel retour, au moment où l'Algérie frappe aux portes de l'Europe et du monde. Au-delà de la volonté d'accorder le même temps d'antenne, exprimée par son directeur, l'Entv a-t-elle aujourd'hui les prétentions de produire du consensus démocratique ou la tentation de continuer à être une machine à produire du consensus totalitaire. Force est de constater qu'elle agit encore selon une conception empruntée au modèle soviétique, qui réduisait l'information à des directives, décisions et communiqués tombés de haut. Evoluant dans un champ audiovisuel complètement verrouillé, la Télévision algérienne s'est avérée incapable d'effectuer l'exercice d'ouverture cédant le terrain de la concurrence à des chaînes étrangères émettant par satellite. N'est-il pas temps de s'interroger sérieusement sur la manière dont la télévision publique doit remplir sa fonction?