La mode, ces jours-ci, semble faire des bourgeons. Est-ce cette fin de mars 2012 qui veut qu'un délit redouté fleurisse ces jours d'un printemps qui est arrivé, il faut l'avouer, un peu plus tôt que prévu. Mais pour nos magistrats du siège, le printemps arrive avec des dossiers solides. En une phrase aussi solide que tout: il y a des délits qui font perdre du temps. Ce jeudi, Samira Kirat, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) a dû souffrir avec sous les yeux, un dossier où l'insulte était, allez, écrivons-le: la star du jour. Il s'agit de l'insulte, fait prévu et puni par les articles 207 et 299 du Code pénal. Mohamed Amari, le représentant du ministère public, semblait hors course tant il devait s'ennuyer en attendant les dossiers où le «baroud» du ministère public avait une large place. La victime, une jeune femme originaire du centre du pays, n'a voulu rien savoir: le mot balancé par l'inculpé alors qu'elle était debout près de sa voiture lui a semblé «mortel», «fatal», «déshonorant» et tout et tout. Les passants ont tout essayé pour la dissuader de ne pas se plaindre, rien n'y fit. Elle était blessée par le mot lequel, si on devait le traduire en langue française et dit à l'est ou à l'ouest - comme l'a souligné fort bien Maître Lamouri - du pays, il signifie tout simplement: «Vas t'amuser ailleurs!» Pourtant, dans le dossier, il est question de mots moches, de provocation du regard, de gestes déplacés. Il est même question de larmes, car il est porté sur le procès-verbal que la victime avait couru en chialant. Et ainsi, si la victime pleurait en courant c'est qu'elle a dû ressentir un mauvais coup porté en plein coeur. Et cette fille, enfant d'une wilaya du Centre est éternellement sensible aux mots pas gentils, ni corrects. Ce qui explique les poursuites, les frais, les va-et-vient, les dérangements avec les inévitables absences au boulot... Maître Benouadah Lamouri s'était déplacé à Saïd Hamdine expliquer à Kirat Aroui, qu'un mot prononcé à l'est de Larbaâtache et Khemis El Khechna, n'était pas forcément une insulte. «Madame la présidente, la victime doit voir beaucoup de films dramatiques. Elle a la larme sous les cils, ce qui explique ses pleurs après que mon client lui ait signifié d'aller se faire voir ailleurs ou encore de lui montrer la largeur de ses épaules, le tout balancé sur un seul mot lequel dit à B.B.A, Sétif, Guelma ou encore Tébessa, devient ravageur à Rouiba, Belouizdad, Chlef ou encore Tlemcen», s'était écrié l'avocat de Dar El Beïda qui a supplié la juge du siège de prendre en considération le lieu de naissance de l'inculpé et surtout la manie de certains nationaux de vite s'emporter et cracher des mots plus qu'insupportables pour ceux qui prêtent l'oreille ou encore pour ceux à qui on s'adresse. Plus sérieusement, Maître Lamouri, qui a dit son aversion pour l'incarcération, a prié la présidente d'infliger une toute petite amende, «si vous, madame la présidente, qui avez ouvert les yeux et grandi dans la capitale, considérez ce mot comme vulgaire, insultant. Mais je suis sûr que vous jugerez ce que bon vous semble» a martelé l'avocat qui a pris acte de la mise en examen du verdict.