L'une des premières conséquences de la crise de l'audiovisuel marocain et la mainmise inquiétante des islamistes sur le secteur, c'est le limogeage du président de la plus haute autorité audiovisuelle au Maroc, Mohammed Ghazali. Ce dernier a été démis de ses fonctions par le roi Mohammed VI, après une polémique sur les programmes de télévision publique. C'est Amina Lamrini El Ouahabi qui a été nommée par le roi, présidente du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (Csca), en remplacement de Mohammed Ghazali. Le Csca est une instance intégrée à la Haute autorité de la communication et de l'audiovisuel (Haca). Cette nomination intervient sur fond de polémique après l'adoption par la Haca, le 31 mars, de nouveaux cahiers des charges réclamant, notamment aux deux chaînes publiques à diffuser les cinq appels à la prière, interdisant la publicité des jeux de hasard ainsi qu'une refonte des programmes en langue française et de l'heure de diffusion du bulletin d'information du soir. Pour le ministre de la Communication, l'islamiste Mustapha El Khalfi, «Ghazali paie de sa tête le prix de la crise des cahiers des charges». Il avait fait de l'interdiction de la publicité des jeux de hasard le cheval de bataille de son «projet de réforme de l'audiovisuel». Ces mesures devaient entrer en vigueur le 1er mai, mais après la polémique, leur application a été reportée à une date non définie. Le ministre des Sports, Mohamed Ouzzine - qui est en même temps le président du Conseil d'administration de la Marocaine des jeux et des sports (Mdjs) - avait critiqué «l'approche» de M.Khalfi, qui est un ministre de la Communication et non un mufti ou un fqih (théologien) qui interdit et autorise. Ce limogeage est un message au gouvernement islamiste de Benkirane et qui démontre également que Mohammed VI, qui a réagi sur les conseils de son bras droit, André Azoulay. Le roi du Maroc veut avoir le contrôle sur l'audiovisuel marocain et n'accepterait pas les nouvelles conditions du ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi. C'est le statu quo dans l'audiovisuel marocain à la suite de cette crise et surtout à cette nomination. Le roi ne pouvant pas limoger le ministre de la Communication au risque de créer un fait anticonstitionnel, a préféré sacrifier son ancien homme de main. Le roi a procédé également à la nomination de Jamal Eddine Naji en tant que directeur général de la communication audiovisuelle. Un poste qui enleve les prérogatives dans ce domaine au ministre islamiste du PJD. La balle est aujourd'hui dans le camp de Mme Amina Lamrini et El Ouahabi Jamal Eddine Naji, leur tâche reste délicate puisqu'ils doivent faire face à la rigueur et la demande du roi et aux exigances du très libre gouvernement islamiste. Pour les Marocains, ces deux nominations interviennent après que l'Autorité ait été hissée au rang d'institution constitutionnelle pour renforcer son indépendance et sa neutralité. Cela ouvre un nouveau front de débat et de conflit entre le gouvernement et le roi, surtout à l'approche du Ramadhan. [email protected]