Yousri Nassrallah, cinéaste égyptien Le soixantième clap devait être oriental puisque égyptien. Au final, il a failli revêtir les oripeaux d'un orientalisme de la plus détestable apparence. Devant le chevalet, il y avait Yousri Nassrallah, un des héritiers putatifs de Youssef Chahine. Un cinéaste, longtemps assistant du maestro aujourd'hui disparu, mais qui ne semble pas avoir retenu avec ce dernier film, Après la bataille que les travers et autres grosses ficelles que «JO» n'avait pu s'empêcher d'utiliser tout au long de la dernière ligne droite de son existence, avec moins que de plus de bonheur pour l'auteur du mythique Gare Centrale... Mais voilà, nous sommes en 2012 et Yousri est en compétition pour la Palme d'or, avec un film coproduit avec la France, Après la bataille donc, que l'on disait un hommage au Printemps arabe, un repère historique transformé en objet de marketing dans lequel se mélangent tout et n'importe quoi... Comme le film égyptien finalement bavard à satiété et, plus grave encore, sans aucune pensée... Pourtant, le peuple égyptien avait, comme le disait Alfred Frej dans sa célèbre pièce, bien «tué al wahsh» (le monstre)! De cela le cinéaste égyptien n'en a (plus) cure, puisqu'il se contente de chevaucher auprès de son destrier au lieu de l'enfourcher, tout en lui laissant la bride sur le cou. Car c'est bien de l'histoire de ces cavaliers propriétaires de chevaux pour randonnées touristiques dont il s'agit, devenus (tristes) héros de la rue cairote depuis ce jour de février 2011 où ils fondirent, tel un rapace, sur sa proie, sur la Place Al Tahrir, où une foule en ébullition extrême avait fait de la chute du despote, Hosni Moubarak, une condition non négociable du désamorçage de la crise égyptienne... Un film bavard, aussi exhaustif qu'une revue de presse à laquelle il manque cependant l'exercice d'analyse nécessaire. Cela frise la démagogie et le ridicule prêtait même à rire, n'eut été la gravité de la situation (tragique) que subissait et continue de le faire le peuple d'Egypte... L'accueil des journalistes présents en masse à cette première séance des films en lice pour la Palme vermeil a été à la hauteur de la dramaturgie (avortée) de ce film. Nul donc et vain fut cet exercice qui, à court de subterfuge, failli plagier (de la mauvaise façon), et dans son dernier quart d'heure, les derniers moments du Moineau de Chahine, lorsque Bahia, tel la «Liberté guidant le peuple», sortit dans les faubourgs du Caire, criant sa douleur et ses espérances menacées de pétrification. Dommage pour les enfants de Cheikh Imam, mais sans voix ils étaient, et pour longtemps, semble-t-il, sur le point de le rester pour un temps encore... Yousri Nassrallah a cru qu'un film c'est comme une révolution: on peut l'envisager sans avoir bouclé complètement son scénario... Sauf qu'au cinéma, un scénario flirtant continuellement avec l'à-peu-près ne peut déboucher sur quelque chose qui vaille, mais plutôt sur ce qui défaille. Intellectuellement, l'oeuvre a raté son rendez-vous avec son premier public: l'égyptien. Yousri Nassarallah a donc failli et nous on se retrouve tout bonnement marri. Rideau. Au suivant!