L'information, concise, n'a pas précisé l'identité des responsables «dégommés», laissant planer le doute. Le président de la République a mis fin, hier, aux fonctions de 10 présidents de cours ainsi que 11 procureurs généraux. Les remplaçants sont tous issus, indique un communiqué laconique rendu public, de la Cour suprême, «notamment en ce qui concerne les grandes cours». Dans la foulée, le premier magistrat du pays a également procédé à la mutation de 8 autres présidents de Cour ainsi que 14 procureurs généraux. Par ailleurs, et pour assurer un meilleur fonctionnement et une plus grande efficacité des tribunaux, ajoute le communiqué, le président Bouteflika «a décidé un mouvement au sein du corps des magistrats chargés des emplois spécifiques de présidents de tribunaux, procureurs de la République et juges d'instruction». Le chef de l'Etat, dans son communiqué, inscrit cette démarche dans le cadre de la «réforme globale de la justice». Il invoque, ce disant, l'article 78 de la Constitution, l'article 3 du statut de la magistrature ainsi que l'article 30 du code de procédure pénale. Curieusement, toutefois, le communiqué ne précise pas les raisons qui expliquent ces «fins de mission», non plus l'identité et les compétences territoriales des magistrats concernés par ce vaste mouvement. La voie est ainsi ouverte à toutes les formes de spéculations en attendant d'en savoir un peu plus. Nul doute, ce disant, que tous les regards seront braqués aujourd'hui sur la cour d'Alger, aque préside Ras El-Aïn, premier responsable du syndicat des magistrats. L'homme avait violemment dénoncé la manière dont avait été mené le «procès» contre le FLN de Benflis et la décision prise de nuit, en l'absence des concernés, et même de certains magistrats censés statuer sur ce dossier. Cela lui avait déjà valu un putsch au sein de son syndicat alors que chacun s'attendait à ce qu'il soit relevé de ses fonctions pour avoir «divulgué des secrets professionnels». Il est, en effet, devenu de notoriété publique, comme l'a relevé le FLN, que c'est le président Bouteflika en personne qui se trouve derrière la cabale montée contre le FLN. Comment ne pas établir de liens directs de cause à effet entre ce mouvement des magistrats et l'épée de Damoclès qui pèse sur la tête de Ras El-Aïn depuis le jour où il a osé briser l'omerta ? De persistantes rumeurs vont jusqu'à dire que «la réforme version Bouteflika a surtout touché les magistrats soupçonnés d'être proches de Ras El-Aïn ou bien de Benflis». Tout comme un grand nettoyage serait attendu au niveau des collectivités locales, il semble que le chef de l'Etat se soit caché derrière cette fameuse réforme de la justice, qui dort dans les tiroirs depuis des années, pour se fabriquer une justice sur mesure, à même de l'aider à se garantir un second mandat sans encombres. Preuve en est, notamment, qu'hier, à l'heure où nous mettions sous presse, nous avons appris que les hauts fonctionnaires au sein de la chancellerie n'étaient pas au courant de ce mouvement. Preuve que la décision est venue directement du palais d'El-Mouradia, prenant de court tout le monde et brouillant un peu plus le jeu politique à moins de cinq mois de la présidentielle.