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Les vrais défis qui nous attendent
LE CHAOS MONDIAL
Publié dans L'Expression le 26 - 05 - 2012


L'énergie solaire, seule alternative pour le futur
«Le rôle de l'éducation est souverain: et si on éduquait les enfants au contentement et non à l'avidité permanente?(...) Le phénomène de la vie, ce qui fait que nous existons, devrait avoir une place dans l'éducation des enfants. Or, nous n'avons que des structures éducatives qui occultent complètement les fondements de la vie pour, le plus vite possible, fabriquer un petit consommateur et un petit producteur pour le futur. Cela en fait un petit ignorant. L'exigence fondamentale, c'est que tout le monde puisse manger, se vêtir, se soigner.» Pierre Rabhi, philosophe
Mon attention a été attirée par la dernière émission concernant le marché pétrolier. Un panel d'experts s'est ingénié à décortiquer le marché mondial du pétrole, l'offre et la demande, la défense de la part de marché du pays de 1,2 million de barils, les différents scénarios de maximalisation de la rente; j'ai vainement attendu que l'on discute de l'avenir du pays et de l'impérieuse nécessité de se faire un destin hors hydrocarbures. J'ai eu l'impression que l'on voulait rassurer en martelant que la rente sera toujours importante et qu'il n'y a pas lieu de s'en faire. En clair, nous pouvons continuer à dormir sur nos deux oreilles. Vaines certitudes!
Jeudi 24 mai 2012
Le marché mondial de l'énergie
De par le monde, les pays notamment développés mettent en place des stratégies visant à s'assurer des sources d'approvisionnement pérennes nées à la fois de l'intelligence mais aussi de l'hégémonie militaire pour prendre par la force ce qui est interdit par le droit.
Certains pays ont fait des efforts extraordinaires pour sécuriser leur futur énergétique. C'est le cas de deux pays et non des moindres (l'Allemagne et le Japon (15%)) qui ont décidé de sortir du nucléaire, malgré les recommandations de l'Agence internationale de l'énergie. Parallèlement, ces deux pays ont développé de véritables plans Marshall pour développer le solaire, l'éolien, la géothermie, les piles à combustibles, les voitures propres, le charbon propre...Même si la France tient au nucléaire, elle développe les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique).
Les Etats-Unis connaissent une véritable révolution surtout avec l'exploitation des gaz de schiste et des pétroles de schiste, ce qui fait que ce pays est autosuffisant en gaz. Ceci est arrivé avec l'augmentation programmée du prix du gaz naturel pour rendre compétitive ces sources d'énergie non conventionnelles. Leur exploitation effrénée amène à un véritable désastre écologique. De plus, l'addiction au pétrole va créer à l'échelle planétaire un désastre
Il serait naïf de croire ou de faire croire que l'Opep a un quelconque pouvoir, si ce n'est de recevoir et d'appliquer des instructions par Arabie Saoudite interposée. Nous l'avons vu avec l'invasion libyenne, le lynchage de Kadhafi, l'Arabie Saoudite a compensé la part de la Libye, et récemment encore avec l'embargo pétrolier contre l'Iran, encore l'Arabie Saoudite s'est portée garante de l'approvisionnement du marché, en clair, à étouffer un membre de l'Opep de surcroît musulman!! Les pays émergents constitueront de plus en plus le groupe de pays qui consommera plus d'énergie que les pays de l'Ocde.
Le marché de l'énergie du futur
L'AIE prévoit, dans son rapport spécial «World Energy Outlook 2011», une hausse de la demande mondiale en énergies fossiles au cours des deux prochaines décennies «à environ 96 millions de barils par jour d'ici 2035». Consommation notablement issue des pays émergents, et son prix grimperait à 120 dollars le baril. Que se passe-t-il, alors, si l'énergie endogène ne suffit pas - comme cela sera de plus en plus le cas- pour répondre à l' addiction maladive qui nous promet de changements climatiques de plus en plus erratiques d'autant que les 2°C qui constituaient encore il y a deux ans un horizon à ne pas dépasser? Deux solutions: soit la prendre de force ailleurs, soit être raisonnable et aller vers une décroissance énergétique ordonnée avant qu'elle ne nous soit imposée à tous d'une façon brutale.
Pour les pays développés de l'Ocde, il faut s'organiser pour aller la prendre par la force et tous les subterfuges sont bons- notamment la démocratie aéroportée, sont bons. Le dernier sommet de l'Otan s'est déroulé à Chicago les 20 et 21 mai dans un climat, dit-on de consensus apparent. Daniel Durand, rapporte l'un des paragraphes du communiqué qui réaffirme que «les armes nucléaires sont une composante essentielle des capacités globales de dissuasion et de défense de l'Otan, aux côtés des forces conventionnelles et des forces de défense antimissile». Que cache cette volonté de faire référence à des «menaces» très larges depuis la mondialisation, les cybermenaces, le risque de perturbation des approvisionnements en énergie?» (1)
En clair, l'Otan qui devrait avoir disparu avec la disparition de son équivalent- le Pacte de Varsovie- est plus que jamais «intervenante», avec «l'autorisation» obligatoire des Nations unies ce «grand machin», disait de Gaulle
Dans le même ordre et d'une façon plus soft, la Banque Mondiale s'occupe de verdir l'économie. Dans son dernier rapport «Pour que la croissance verte ne soit plus considérée comme l'apanage des pays riches», la Banque mondiale s'est mise à l'énergie verte:«Lancé au Sommet mondial sur la croissance verte de Séoul, le rapport «Inclusive Green Growth: The Pathway to Sustainable Development» de mai 2012, se penche sur la pertinence d'une croissance respectueuse de l'environnement et solidaire pour un développement durable, et propose un cadre d'analyse qui intègre les contraintes des facteurs environnementaux (atmosphériques, terrestres et marins) dans les plans de croissance économique nécessaires pour réduire la pauvreté. Le rapport démystifie l'idée qu'une démarche de croissance verte est un luxe que la plupart des pays ne peuvent s'offrir, en faisant ressortir au contraire que les principaux barrages en la matière résident plutôt dans les obstacles politiques, l'existence de comportements fortement ancrés et l'absence d'instruments de financement adaptés. (...) Les Etats sont appelés à revoir la manière dont ils abordent les politiques de croissance et à mesurer non seulement ce qui est produit mais aussi la valeur de ce qui est épuisé et pollué dans le même temps. Selon le rapport, le fait d'accorder de la valeur au capital naturel - terres agricoles, ressources minérales, fleuves, océans, forêts, biodiversité - et d'attribuer des droits de propriété, devrait suffire à inciter les pouvoirs publics, l'industrie et les particuliers à gérer ce capital de manière efficace, solidaire et durable. La Banque Mondiale soutient très vigoureusement l'incorporation du capital naturel dans les comptes nationaux et cherchera à obtenir l'engagement des pays lors du Sommet de Rio + 20 que les Nations unies organisent au Brésil le mois prochain. (...)» (2)
Comment conjurer un futur de plus en plus chaotique?
Pierre Rabhi, paysan-philosophe face à la disparition des questions écologiques dans le débat politique, et à la frénésie marchande qui nous a pris en otages, invite à repenser la vie sur un mode à la fois «sobre et puissant». Et à inventer, pour éviter des explosions sociales et un chaos généralisé, un autre modèle de civilisation. Dans cet entretien, il met au coeur de son modèle la sobriété en tout. Ecoutons-le:
«Je ne me réjouis pas, déclare-t-il, de cette situation, mais je me dis finalement que l'être humain a besoin d'entrer dans des impasses pour mieux comprendre. Les impasses peuvent soit finir sur un chaos généralisé, soit permettre d'initier autre chose. Le chaos est tout à fait possible: une sorte de cocotte-minute d'incertitudes et d'inquiétudes est en train de miner les âmes et les consciences. Notre modèle de société montre son inadéquation, son incapacité à continuer. Si nous nous y accrochons, ce sera le dépôt de bilan planétaire. Tous les pays émergents veulent vivre à la moderne. Où va-t-on puiser les ressources?» (3)
Le philosophe nous invite à changer de paradigme: «Il y a aujourd'hui à repenser la vie sur un mode qui soit à la fois sobre et puissant. Je crois beaucoup à la puissance de la sobriété. Je ne crois pas à la puissance des comptes en banque. La vraie puissance est dans la capacité d'une communauté humaine à se contenter de peu mais à produire de la joie. Notre société déborde de tout, mais nous sommes un des pays les plus consommateurs d'anxiolytiques, pour réparer les dégâts que produit la «société de la matière»! Nous sommes une espèce de planète psychiatrique. Combien de souffrances produisons-nous? Les citoyens ne sont pas véritablement conscients de l'enjeu de l'écologie que nous sommes obligés d'avoir une écologie politique pour lui donner une place au forceps. (...) La civilisation moderne est la civilisation la plus fragile de toute l'histoire de l'humanité. Plus d'électricité, de pétrole, de télécommunications et la civilisation s'écroule. Elle ne tient sur rien du tout. (3)
S'inscrivant en faux contre le mythe du progrès, il écrit: Le progrès ne libère pas. (...) Il faut que l'humanité se pose la question: le progrès, pour quoi faire? Et avant: qu'est-ce que vivre? S'il s'agit juste de consommer, je n'appelle pas ça la vie, cela n'a aucun intérêt. Nous sommes devenus des brigades de pousseurs de caddies. Cela me terrifie. Nous sommes revenus au néolithique: nous sommes des cueilleurs, nous passons dans les rayons et nous cueillons. Tout cela n'est pas bon. On a évoqué la décroissance, qui est considérée comme une infamie dans le monde d'aujourd'hui: remettre en cause la croissance! Au Moyen Âge, j'aurai été brûlé vif. Le progrès technologique ne rétablit pas de l'équité dans le monde, au contraire. Une minorité en bénéficie. Ce ne sont pas les pays en voie de développement qui consomment le plus de voitures ou de frigos. C'est un leurre de dire que la planète ne pourra pas suffire, parce que nous serons plus nombreux. C'est une injustice totale: sur 7 milliards d'humains aujourd'hui, la moitié n'a pas accès à la nourriture pendant que les autres se bâfrent et gaspillent à outrance. Un cinquième de l'humanité consomme les 4/5es des ressources produites. Ce serait très pernicieux d'invoquer la démographie pour dire qu'on ne va pas s'en sortir. Non! Plusieurs milliards d'humains ne s'en sortent déjà pas. Ce ne sont pas les pauvres qui épuisent les ressources. La démographie n'est pas en cause. Je sens cet argument s'insinuer de façon vicieuse. Aujourd'hui, les jeunes ne savent pas quelle place ils auront et s'ils auront une place dans l'avenir» (3)
A la question d'où peut venir le changement? avec sa lucidité décapante, Pierre Rabhi propose: «Vous pouvez manger bio, recycler votre eau, vous chauffer à l'énergie solaire, tout en exploitant votre prochain, ce n'est pas incompatible! Le changement radical de la société passe par une vision différente de la vie. L'humain et la nature doivent être au coeur de nos préoccupations. (...)Voilà ce qu'une civilisation digne de ce nom devrait pouvoir fournir à tout le monde. Aucun bonheur n'est possible sans la satisfaction des besoins vitaux. Notre civilisation a la prétention de nous libérer alors qu'elle est la civilisation la plus carcérale de l'histoire de l'humanité. De la maternelle à l'Université, nous sommes enfermés, ensuite tout le monde travaille dans des boîtes. Même pour s'amuser on va en boîte, assis dans sa caisse. Enfin, on a la boîte à vieux quand on n'en peut plus, qu'on est usé, avant de nous mettre dans une dernière boîte, la boîte définitive».(3)
«Ceux qui ont de l'argent, conclut-il, commettent un hold-up légalisé sur le bien de tous. Un vol illicite mais normalisé par la règle du jeu. L'argent rend l'humanité complètement folle et démente. Aujourd'hui, on achète le bien des générations futures. Je possède de la terre, mais je suis prêt à dire que ce n'est pas la mienne. Je l'ai soignée pour qu'elle soit transmise à mes enfants ou à d'autres gens. (...) Ce que je regrette, c'est qu'on ne se mette pas sur la voie du changement. Ce modèle a été généré par l'Europe. La première victime de ce nouveau paradigme, cette nouvelle idéologie, c'est l'Europe elle-même. (...) Nous sommes dans un système «pompier-pyromane»: il produit les dégâts et prétend en plus les corriger. On met des rustines au lieu de changer de système: ce n'est pas une posture politique intelligente.(3)
Que fait l'Algérie?
Avons-nous un cap? Pendant que les pays développés font assaut d'intelligence pour aller de l'avant, notamment avec le développement du solaire - on apprend que l'avion solaire impluse a décollé de Suisse pour aller en Espagne puis au Maroc, avec la seule puissance de ses cellules solaires-, l'Algérie rentre dans l'avenir à reculons. Pourtant nous avons plus que jamais besoin d' une stratégie énergétique pour une utilisation rationnelle de l'énergie et d'investissement à marche forcée dans le renouvelable. Il est vrai que nous sommes encore englués dans les schémas du passé car un pays sans cap ne peut aller loin, il travaille au jugé, sans prise sur le futur. Nos voisins l'ont compris et font feu de tout bois pour être présents partout. Nous allons perdre beaucoup en ne prenant pas le train des nouvelles mutations. La recherche et la formation universitaire doivent être partie prenante et il est hautement souhaitable qu'une vision opérationnelle d'un pan de recherche soit dédiée à l'accompagnement de la stratégie énergétique, la stratégie pour l'eau (c'est aussi de l'énergie). Plus largement, les pays du Maghreb doivent établir des stratégies d'énergies renouvelables et développer des partenariats rentables.
Dans ce cadre, l'Union maghrébine pourrait avoir un second souffle. Le Maghreb n'irait plus en ordre dispersé mais pourrait, valablement, avec le poids qu'il représente (plus de 5 millions de km²; 85 millions d'habitants en grande majorité jeunes, de l'énergie), influer d'une façon positive sur son devenir au lieu d'attendre que les autres (Européens, Américains, Chinois) nous organisent. Il nous faut décliner le concept d'une réelle Unité maghrébine, ethniquement homogène, forgée par l'histoire, la culture et la langue à la réalité du XXIe siècle en commençant enfin, à connaître nos intérêts. Dans ce cadre de l'indépendance énergétique, de l'Union du Maghreb, les décideurs politiques peuvent tirer profit de la valorisation du Sahara dans le cadre du solaire et de l'éolien. Nous ne devons pas rester spectateurs mais acteurs de notre destin. (4)
1. Daniel Durand. Sommet de l'Otan: consensus de façade http://culturedepaix.blogspot.com/
2..http://cdurable.info/Rapport-La-Banque-Mondiale-Croissance-Verte-Green-Growth-Sustai
3. Pierre Rabhi: «Si nous nous accrochons à notre modèle de société, c'est le dépôt de bilan planétaire» Agnès Rousseaux, Ivan du Roy http://lestemoinsdutemp.canalblog.com/
4. C.E. Chitour http://robocup555.blogs. nouvelobs.com/trackback/211245


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