[A qui profite la baisse des prix du pétrole?]A qui profite la baisse des prix du pétrole? «Notre meilleure banque est notre sous-sol.» Invité à une émission sur Canal Algérie-le recyclage des matières plastiques- (Question d'actu), j'ai eu l'opportunité de donner mon point de vue en insistant que ce type de nuisance ne pouvait être résolu d'une façon partielle et que tous les textes juridiques ne pourront rien en l'absence d'une stratégie top-down sur le développement Algérie, un cap qui permet à chaque Algérien d'être comptable de ses actes. J'avais même pointé du doigt le fait que l'Algérie se tient le ventre chaque fois que le prix du pétrole plonge, cinquante après. La singularité des prix du pétrole En vingt ans d'études sur le pétrole, j'ai toujours été en admiration sur le fait qu'en Occident, on peut dire tout et son contraire; on a une réponse à tout -après-coup-. Les prix du pétrole dans cette catégorie, indépendamment souvent, des prophéties autoréalisatrices. Ainsi, depuis 1971et le début du flottement du dollar, le prix du pétrole ne dépend plus uniquement des fondamentaux de l'offre et de la demande mais d'un tas de facteurs subjectifs qui perturbent cet équilibre et, cette main invisible d'Adam Smith ne peut rien faire contre la volonté des puissants de payer le prix qu'ils veulent. Ainsi, quand l'Administration américaine est devenue de plus en plus dépendante du pétrole extérieure, toute sa stratégie est de s'assurer des sources d'approvisionnement sûres au prix qu'il veulent bien payer quitte à rendre non compétitifs les centaines de milliers de petits puits des petits producteurs et à leur compenser le manque à gagner par le hold-up sur les prix réels du pétrole. Cette politique a été concrétisée par Kissinger en novembre 1975 par la création de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), véritable machine de guerre qui a écrasé l'Opep au point que cette dernière, dans ses prévisions, attend les statistiques prévisionnel de l'AIE qui, d'ailleurs se plante régulièrement. L'exemple le plus criard a concerné justement les prix du pétrole. Quelques mois avant juillet 2008, date à laquelle le prix du pétrole avait atteint les 145 $ le baril, l'AIE avait prévu que les prix du pétrole qui étaient à près de 20 $ le baril atteindraient en 2030 les 30 $ le baril! Cette foi-çi c'était la spéculation. Nous allons rapporter brièvement les positions de ceux qui nous expliquent pourquoi le prix du pétrole augmente et ceux qui nous expliquent le contraire, toujours après coup. William Engdahl, s'interrogeait en octobre 2011 sur les causes de la hausse du pétrole: «Les actuelles fluctuations du prix du pétrole sont-elles d'ordre structurel ou bien sont-elles dues à la spéculation de quelques grands acteurs? «Depuis octobre, l'an dernier, écrit-il, le prix du brut sur le marché mondial des contrats à terme a véritablement explosé. Chacun avance sa propre explication. La plus commune est la croyance, parmi les marchés financiers, qu'une guerre est imminente entre Israël et l'Iran, ou entre les USA et l'Iran, ou entre ces trois pays. Une autre explication veut que le prix augmente irrémédiablement du fait que l'on aurait dépassé ce qu'on appelle le «pic pétrolier». Le spécialiste voit une autre cause: «Les justifications par le risque de guerre et par le pic pétrolier sont toutes les deux à côté de la plaque. (...) le prix actuel du pétrole augmente en raison d'actions spéculatives conduites sur les marchés par des Hedge Funds [fonds spéculatifs] et certains grandes banques comme Citigroup, JP Morgan Chase et surtout, Goldman Sachs, que l'on retrouve chaque fois qu'il y a des gros sous à se faire sans trop d'efforts, et en pariant sur quelque chose de sûr à 100%. (...)Un rapide coup d'oeil sur le fonctionnement actuel des marchés de «pétrole papier» aide à y voir plus clair. Depuis le rachat par Goldman Sachs dans les années 1980 de la société J. Aron & Co, un opportuniste négociant en matières premières, le commerce du brut est passé d'un domaine d'acheteurs et de revendeurs ponctuels de pétrole réel à un marché où ce ne sont pas l'offre et la demande courante de pétrole réel qui déterminent les prix journaliers, mais la spéculation non régulée dans les contrats pétroliers à terme, et les paris sur les prix d'un brut donné à une date donnée, ordinairement à 30, 60 ou 90 jours. (...) Une estimation courante veut que les spéculateurs, (..) contrôlent aujourd'hui près de 80% du marché des contrats pétroliers à terme, contre 30% il y a 10 ans». (1) A l'époque, on a aussi tenté d'expliquer la chute de près 70 $ alors qu'en juillet on avait admis un baril possible à 200 $ fin 2008 Georges Dupuy écrit: «Les Etats membres de l'Opep ont décidé de se réunir dans l'urgence. Les cours du brut sont descendus à 70 dollars le baril: 50% de moins qu'en juillet 2008. Une réduction de la production est à l'étude.. Huit jours après que le cours du Brent de mer du Nord a glissé sous la barre des 67 dollars le baril. Deux fois moins qu'en juillet dernier. (...) Aujourd'hui, la vitesse de la descente aux enfers surprend tout le monde. La consommation s'est écroulée. Au-delà, l'explication fondamentale, c'est l'écroulement de la consommation, dû au niveau de prix trop élevé de ces derniers mois. (...) A partir de 100 dollars le baril, les consommateurs ont commencé à réagir en freinant beaucoup plus que prévu leur consommation de carburants. Conséquence: la demande de brut a nettement fléchi dans les pays de l'Ocde. (...) «Maintenant que les prix sont retombés, les consommateurs américains vont ressortir leur 4x4(...). Une nouvelle fois, les pays producteurs non membres de l'Opep pourraient décider de s'associer aux prochaines décisions de réduction de l'offre. La Russie devrait, ainsi, être un des premiers Etats à appuyer les positions de l'Opep.»(2) Pourquoi les prix du pétrole sont imprévisibles? A qui profite la baisse des prix du pétrole écrit Jean-Pierre Décarie? Nous sommes en 2012, un nouveau cycle se dessine. Depuis que le prix du baril de pétrole a atteint le 24 février dernier la marque ultime des 109,77$US - le sommet de son dernier cycle haussier - et s'est maintenu à ce niveau durant près d'un mois, le prix de l'or noir a amorcé un sérieux mouvement de repli qui l'a ramené sous la barre des 83$US vendredi 1 juin. Cette contraction de prix correspond à une baisse de 22% du prix du baril de Light Sweet Crude Oil en l'espace de deux mois. (...) Les raisons qui expliquent ce mouvement de recul sont multiples et bien connues de tous. La fragilité de la situation économique européenne, est un facteur important de la baisse des cours du pétrole». (3) Mathilde Damgé propose une autre explication: «Le baril s'allège avant l'été. Sur le mois, le brut a perdu environ 17%. Les opérateurs étaient suspendus à une réunion téléphonique des grands argentiers du G7, suivie mercredi d'une réunion de la Banque centrale européenne et jeudi d'une allocution du président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke. L'agence gouvernementale américaine d'information sur l'énergie «Le scénario le plus susceptible de plomber les prix du pétrole cette année serait une escalade de la crise des dettes souveraines dans la zone euro», anticipent pour leur part les experts du cabinet CGES dans leur dernière note mensuelle. En outre, la production de brut en Libye a repris et pourrait contribuer à tirer les prix du baril vers le bas en 2012. Par ailleurs, alors que l'Union européenne a décidé de mettre en place un embargo graduel sur le pétrole iranien, l'Arabie Saoudite s'est engagée à compenser tout manque de brut sur le marché». On le voit, deux membres de l'Opep sont ennemis hors de l'Opep.»(4) Est-il normal en effet, que la loi des finances soit indexée sur le bon vouloir des décideurs occidentaux, des roitelets de l'Opep qui peuvent- sur injonction de l'Empire- ruiner les petits pays en ouvrant les vannes, ou encore la spéculation, à l'affût et qui prend sa dîme au passage? Pour rappel, le 28 janvier dernier, le FMI avait prévenu l'Algérie sur les risques que ferait peser une baisse des prix du baril sur son budget qualifié de «vulnérable». Une baisse qui aurait des conséquences profondes sur l'économie nationale, selon le FMI. Le FMI rejoint ainsi les vraies inquiétudes exprimées par plusieurs experts algériens et internationaux. «L'orientation budgétaire expansionniste de ces dernières années a cependant rendu la situation budgétaire vulnérable aux fluctuations des cours du pétrole, le prix permettant d'équilibrer le budget étant aujourd'hui légèrement supérieur à 100 dollars le baril», a prévenu le FMI..le FMI nous recommande «de diversifier l'économie, d'améliorer le climat des affaires, de faire reculer le chômage et de réduire les vulnérabilités à moyen terme». Où en sommes-nous six mois après? On s'aperçoit que les prix du pétrole chutent. Pour le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, -dans une déclaration à l'APS le 7 juin,- l'Opep doit décider une baisse de sa production lors de sa prochaine réunion à Vienne s'il s'avère que le plafond de 30 millions de barils par jour (mb/j) fixé en décembre 2011 n'était pas respecté. Ali Idir rappelle que «le prix du baril a fortement baissé depuis trois mois, tombant au-dessous de 90 dollars ces derniers jours après un pic au-dessus de 110 dollars début mars. En Algérie, «d'importants risques baissiers émergeront en cas de dégradation de la situation économique internationale et d'un repli prolongé des cours du pétrole, [...] ce qui entraînera vraisemblablement une réduction forcée des investissements publics et se traduira par un fléchissement de la croissance et une hausse du chômage», avait précisé le FMI. Une baisse des prix du pétrole remettrait en cause la réalisation de plusieurs grands projets d'infrastructures de base et mettra en difficulté le gouvernement pour financer sa coûteuse politique sociale (12 milliards d'euros par an). L'Algérie tire 97% de ses recettes en devises de l'exportation d'hydrocarbures». (5) Au risque de nous répéter, nous n'avons pas de stratégie énergétique, en Algérie l'énergie est gratuite, l'eau est gratuite, la population n'adhère pas et continue à profiter ne se doutant pas qu'elle enfonce les générations futures. A quoi cela sert de brader l'énergie au lieu d'en tirer le meilleur prix. Est-ce raisonnable de détruire l'environnement pour produire des gaz de schiste pour continuer cette économie de bazar qui nous fait tout importer pour 46 milliards de $ dont il faudra bien un jour faire le décompte de ce qui est utile de ce qui nous donne des airs de riches alors que nous sommes des sous-développés qui croient que posséder un portable, rouler en 4X4, c'est cela le développement? Pourquoi nous sommes toujours aussi vulnérables depuis cinquante ans? Nous avons eu une rente de près de 750 milliards de dollars nous avons vendu pour 1000 milliards de m3 de gaz. Nous ne construisons plus rien de pérenne, au contraire nous avons perdu des pans entiers de savoir-faire. Dans l'émission de Canal Algérie du 4 juin j'avais dit que dans les années 1970, chaque calorie vendue était adossée à l'acquisition d'un savoir-faire et la mise en place de dizaines d'usines dans l'aval et pas dans l'amont. Forer pour extraire du gaz de schiste- malgré tous les dégâts de ce gaz- comme annoncé, est de la fuite en avant. Au lieu de trouver des solutions hors hydrocarbures comme le font nos voisins qui viennent d'inaugurer en toutes discrétions des parcs éoliens de 300 MW (Maroc avec des prévisions à 2000 MW dans 8 ans), et 50 MW (Tunis avec une extension à 190 fin 2013) qui font la chasse au gaspillage, nous, nous continuons à indexer notre avenir sur la vente du sous-sol du pays. Est-ce cela l'indépendance économique scientifique et technologique qui devait accompagner l'indépendance du pays? Non, nous avons tous fauté à tous les niveaux surtout en ne jouant pas la prudence comme le dit Nicolas Sarkis à propos du pompage frénétique de nos ressources. A titre d'exemple d'économie d'énergie, l'isolation thermique des bâtiments dans un pays où la consommation de l'énergie va crescendo, se présente aujourd'hui comme une des options possibles pour une meilleure économie de l'énergie. La climatisation et le chauffage représentent jusqu'à 50% de l'énergie d'un logement et plus de 60% des déperditions se font à travers les toits, les murs ou les sols. Seulement 2% du parc immobilier isolés contre les déperditions d'énergie. Pour Ismaël Boukelma de Baye: «En Algérie, ces dix dernières années, la consommation énergétique a augmenté d'une façon phénoménale bien que nous ayons des ressources énergétiques; on sait qu'elles ne sont pas infinies. (...) Mais l'Algérie est un marché vierge et il reste énormément à faire. Dans ce cas, il n'y a que deux options: soit investir pour avoir plus de sources d'énergie, soit réduire et maîtriser cette consommation énergétique. (...) Aujourd'hui, en Algérie, le prix de l'énergie n'est pas très élevé, mais je n'imagine pas que ça va durer parce que l'énergie reste un produit subventionné. Je pense que les ménages vont regarder de plus en plus près leur dépense en termes d'énergie. Des études ont été faites et sur le coût de construction d'un édifice, l'isolation en polyuréthane c'est de l'ordre de 1%. Ce n'est quasiment rien et il existe en plus plusieurs manières de l'appliquer dans les bâtiments neufs que dans les anciens bâtis.» (6) Qu'en est-il du sort de l'Algérie qui dépend du prix du baril de pétrole? Nous construisons 200.000 logements par an qui ne sont pas isolés thermiquement. On apprend que la conversion à une économie plus respectueuse de l'environnement pourrait générer de 15 à 60 millions d'emplois supplémentaires à l'échelle mondiale au cours des vingt prochaines années. Le Rapport de l'OIT cite le cas de l'Allemagne: «Le programme de rénovation des bâtiments pour gagner en efficacité énergétique illustre que l'on peut obtenir des résultats gagnant-gagnant: il a mobilisé cent milliards d'euros d'investissements, allégé les factures d'énergie, réduit les émissions de CO2 et permis de créer 300 000 emplois directs chaque année.(7) Il est à craindre que les prix vont baisser durablement. Le pétrole a connu tout au long de ces quarante dernières années une montée graduelle jusqu'à un sommet que les pays industrialisés contrôlent, ensuite une chute vertigineuse comme ce fut le cas du maximum du 3 juillet 2008. Il n'y a rien à attendre de l'Opep, notre vulnérabilité sera de plus en plus fragrante devant l'Arabie Saoudite qui produit 6 fois plus que nous, elle peut noyer le marché si les pays industrialisés le lui demandent dans le cadre d'une déstabilisation programmée. Soyons à la hauteur des défis. Une formation de qualité en cadres, notamment d'ingénieurs et de techniciens, peut traduire dans les faits une stratégie énergétique où tout sera fait pour tourner le dos à la malédiction de la rente. 1. F.W.Engdahl Why The Huge Spike in Oil Prices? «Peak Oil» or Wall Street Speculation? Mondialisation.ca, 2. Georges Dupuy: Pourquoi les prix du pétrole se sont effondrés. L'Express 17/10/2008 3. Jean-Philippe Décarie http://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/jean-philippe-decarie/201206/07/01-4532491-a-qui-profite-la-baisse-des-prix-du-petrole.php07 juin 2012 4. Mathilde Damgé: La tension s'apaise sur les prix du pétrole Le Monde.fr 06.06.2012 5. Ali Idir: http://www.tsa-algerie.com/economie-et-business/l-algerie-s-inquiete-et-veut-une-baisse-de-la-production-de-petrole_21061.html 6 06 2012 6. Safia Berkouk: Interview donnée par Monsieur Ismaïl Boulekma, El Watan 4 06 2012: 7. http://www.cdurable.info/La-transition-vers-l-economie-verte-pourrait-generer-jusqu-a-60-millions-d'emplois-Rapport-OIT.html