Le baril est déconnecté de ses fondamentaux. Le rapport de l'Agence internationale de l'énergie le confirme. Ainsi, l'AIE rejoint l'évaluation de l'Opep à propos du marché, en indiquant, jeudi, que la hausse des prix du pétrole ne doit rien à une amélioration de la demande d'énergie. "En ce qui concerne la demande de pétrole, la faiblesse des dernières données disponibles laisse penser qu'une reprise rapide reste hors d'atteinte pour le moment", a ainsi observé l'AIE, dans son rapport mensuel. Se fondant sur les dernières prévisions du FMI (une contraction du PIB mondial de 1,4% cette année), l'organisation a abaissé de 200'000 barils sa prévision de demande. Elle estime que la consommation d'or noir atteindra 83,2 millions de barils par jour (mbj) sur l'année (contre 83,4 mbj dans son précédent rapport), soit une baisse de 2,6 mbj par rapport à 2008. Cette contraction de 3% sur un an est la plus importante depuis 1981. Pour ne rien arranger, l'offre aurait, selon l'AIE, augmenté en avril de 230'000 barils par jour (b/j), à 83,6 mbj, excédant donc la demande. "La production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a augmenté de 270'000 b/j en avril, à 28,2 mbj, interrompant 7 mois consécutifs de baisse", explique l'AIE. Alors que l'Opep avait promis de réduire sa production de 4,2 mbj fin 2008, elle aurait donc relâché ses efforts au mois d'avril. Il faut noter que depuis plusieurs semaines, les experts pétroliers s'alarment d'un fossé grandissant entre les prix de l'or noir, qui ont vigoureusement progressé depuis début mars, jusqu'à dépasser ponctuellement 60 dollars mardi, et l'état réel du marché. A leur tour, les grands agences en charge de l'énergie ont posé cette semaine un diagnostic sans appel : non, la situation de la demande pétrolière ne s'est pas améliorée, comme le raffermissement des prix pourrait le suggérer. Pour rappel, l'Opep avait abaissé de 200'00 b/j sa prévision de demande dans son rapport mensuel mercredi. Plus optimiste malgré tout que l'AIE, le cartel table maintenant sur une consommation mondiale de 84,03 mbj, contre 85,59 mbj en 2008, soit une contraction sur l'année de 1,57 mbj ou 1,8%. La révision la plus drastique avait été opérée mardi par le gouvernement américain : se rapprochant du scénario de l'AIE, il a abaissé de 450'000 b/j sa prévision de demande, par le truchement de l'Agence américaine sur l'énergie. Celle-ci voit dorénavant la demande reculer de 1,8 mbj cette année, à 83,67 mbj. "Les attentes d'une hausse des prix en 2009-2010 en raison d'une future croissance économique devront être tempérées par la réalité d'un surplus d'offre sur le marché", avait-elle donc prévenu. Les producteurs de l'Opep ne peuvent donc pas compter, pour l'instant, sur une reprise de la consommation pour atteindre les 75 dollars qu'ils espèrent. Réalistes, ses propres analystes jugent que dans ce contexte de "détérioration persistante de la demande", la hausse des prix pétroliers constatée ces dernières semaines risque d'être de "courte durée". Ayant perdu le soutien des Bourses et du dollar, les prix ont d'ailleurs entamé un mouvement de repli. Les prix du pétrole ont ouvert en baisse hier à New York. Vers 13H15 GMT (15H15 HEC), sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en juin s'échangeait à 57,40 dollars, en baisse de 1,22 dollar par rapport à son cours de clôture de jeudi. "Les données économiques en zone euro, couplées à la révision en baisse des prévisions de demande de pétrole de l'Agence internationale à l'Energie (AIE), de l'Opep et de l'EIA (l'agence américaine d'information sur l'énergie) et au fait que l'AIE a indiqué que la production de l'Opep était en hausse, montrent que l'offre est fondamentalement surabondante sur le marché", a résumé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. La zone euro s'est enfoncée un peu plus dans la récession au premier trimestre, avec un recul de 2,5% de son produit intérieur brut (PIB) par rapport au trimestre précédent, une baisse record et supérieure à celle des Etats-Unis. Synthèse Samira G.