Un sondage vaut ce qu'il vaut, et bien souvent il sert davantage à fixer les idées sur l'état d'esprit de l'opinion à un moment donné. De fait, la marge d'erreur admise dans ce genre d'étude fait que le sondage, loin d'être scientifique, reste ce qu'il est un instrument de travail indicatif qui peut varier au gré des circonstances. Ceci posé, on peut s'étonner du tapage fait autour d'un sondage commandité par la Commission européenne, dont l'enquête montre qu'Israël est (aujourd'hui) la plus grande menace sur la paix dans le monde. Qu'Israël réfute les données de ce sondage, que ses dirigeants et sa presse entonnent, comme à leur habitude, les trompettes de l'antisémitisme, c'est de bonne guerre, cela peut se concevoir, même si la façon avec laquelle Israël instrumente le particularisme juif est inacceptable, mais que des officiels de l'Union européenne (UE) en rajoutent dans la contrition, voilà qui est fâcheux et peu politique. En effet, de Silvio Berlusconi, président en exercice de l'UE, qui exprime «sa surprise et son indignation», à Romano Prodi, président de la Commission européenne, qui se dit «très préoccupé», en passant par divers responsables de l'Union européenne, dont le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, qui affirme que «le résultat du sondage, (...), ne reflète pas la position de l'Union européenne, exprimée par ses instances à de nombreuses reprises», voilà qui dénote d'une incompréhension suspecte des données d'une opinion, qui est avant tout celle des citoyens européens, quand l'Europe politique (des Quinze) s'écrase devant un Etat, Israël, décidément hors normes. Comme l'indiquent les organisateurs du sondage, c'est l'opinion de base du citoyen européen qui s'est ainsi exprimée, qui n'est pas forcément la position politique de l'EU, un organisme de fait souvent décalé par rapport à la réalité. Ainsi, les citoyens européens semblent mieux percevoir le danger induit par le diktat d'Israël dont 59% d'entre eux estimaient qu' «Israël (est) la plus grande menace pour la paix dans le monde». De fait, Israël se place juste devant les Etats-Unis dont 53% des sondés l'apprécient comme étant la deuxième menace pour la paix au même titre que la Corée du Nord et l'Iran. Ce qui montre que les Européens sont mieux informés de ce qui se passe dans le monde que l'on ne pouvait le supposer quand ils répondaient à la question de savoir quel pays «représentait une menace pour la paix dans le monde». Une question claire, loin d'être ambiguë comme le soutiennent certains responsables de l'UE, qui dit bien ce qu'elle veut dire, donnant à un échantillon représentatif de 755O Européens, -pris dans plusieurs pays de l'UE- de dire leur sentiment sur le sujet. La vérité, dit-on, sort de la bouche des enfants. Cette fois-ci, elle est sortie des opinions de citoyens européens qui, moins ignares des questions de l'heure, sinon moins frileux que leurs dirigeants, voient en Israël la véritable menace pour la paix dans le monde. Plutôt que de replacer ce sondage dans son contexte banal d'étude de l'opinion, les Israéliens en on fait le scandale du siècle ameutant le ban et l'arrière-ban de la noria sioniste pour faire barrage à ce qui, dans l'absolu, demeure une opinion de citoyens libres qui n'engage pas les Etats. Mais les Israéliens, se considérant comme Le Peuple Elu, dénient à qui que ce soit de dire leur sentiment sur Israël ou de critiquer l'Etat hébreux. De fait, c'est Israël lui-même qui donne quotidiennement la preuve, par la manière barbare avec laquelle il administre les territoires occupés et traite les Palestiniens, par les agressions contre les pays voisins (cf: l'attaque le mois dernier contre un camp palestinien en Syrie), que l'Etat hébreu demeure un danger potentiel pour la paix dans le monde. D'autre part, ses provocations intempestives comme la déclaration à Moscou du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, selon lequel «L'Iran doit être traité comme un Etat terroriste, car ce pays avec son programme nucléaire et ses missiles constitue une menace non seulement pour Israël, mais aussi pour la Russie et l'Europe». qui fait d'Israël le sous-traitant de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea). Un paradoxe lorsque l'on sait qu'Israël est le seul Etat du monde qui refuse le contrôle et les inspections de l'Aiea sur ses installations nucléaires. De fait, M.Sharon ne manque assurément pas de souffle, lui dont le pays est considéré comme étant la sixième puissance nucléaire du monde. Cela la Russie et l'Union européenne le savent parfaitement, mais feignent de l'ignorer en vertu d'on ne sait quel code de conduite ou passe-droit attribué à l'Etat hébreu seul pays au monde à n'adhérer ni au TNP (Traité de non-prolifération nucléaire), ni au CTBT (convention interdisant les essais nucléaires). Israël n'a-t-il pas menacé la paix dans le monde en détruisant dans les années 80 la centrale nucléaire de Tamuz en Irak? Pour ne citer que ce fait probant. Actuellement, dans les territoires occupés, Israël, par la construction de murs qui creusent la Cisjordanie comme du gruyère, menace chaque jour la paix. Enfin, peut-on se demander, alors que les Etats-Unis considérés, avec l'Iran et la Corée du Nord, comme la deuxième menace pour la paix dans le monde, prend avec philosophie les résultats de ce sondage, Israël en fait quasiment un crime contre l'humanité parce que des Européens ont osé dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas : Israël est effectivement un danger pour la paix. Par ailleurs, alors que les plus hauts dirigeants de l'UE concouraient à qui s'aplatira le mieux face à Israël, aucun n'a remis en cause les résultats du sondage s'agissant des Etats-Unis, de l'Iran, et de la Corée du Nord. Faire d'Israël un Etat intouchable, quels que soient ses crimes, voilà qui ne travaille ni pour la paix au Proche-Orient, ni ne conforte l'Union européenne en tant que parrain du processus de la «feuille de route» (plan de paix pour le Proche-Orient), quand elle affiche de façon aussi manifeste sa mauvaise conscience envers Israël. En réalité, c'est la veulerie des grandes puissances face à Israël qui a fait de l'Etat hébreu un Etat hors normes et encouragé les Israéliens dans leur position de refus.