C'est dans un climat tendu qu'a débuté hier le vote d'une élection présidentielle marquée par les suspicions et l'arrestation de l'un des candidats. Les Mauritaniens étaient appelés hier à choisir un président parmi les six concurrents, y compris le chef de l'Etat sortant, Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya. De fait, la situation était électrique hier dans la capitale Nouakchott, notamment après l'arrestation jeudi de Mohamed Khouna Ould Haidallah, l'un des concurrents de M.Ould Taya, accusé d'avoir préparé «un coup de force» «pour renverser le régime en place». C'est donc dans un climat tendu que s'est effectuée l'ouverture d'un scrutin qui était, selon des témoins, assez morose. Et pour cause! Après une campagne assez mouvementée, le jour de vérité, les choses donnent plutôt l'impression de s'emballer, d'autant plus que l'opposition, prenant sans doute les devants, n'a pas manqué de fustiger les «fraudes massives» selon elle qui ont émaillé le scrutin dès son ouverture. Ainsi, Ahmed Ould Daddah, l'un des candidats affirmait hier, que «Les premières informations indiquent une fraude massive sur l'ensemble du territoire». De son côté, Messaoud Ould Boulkheir, l'un des premiers Haratines (descendants d'esclaves) à se porter candidat à cette présidentielle est tout aussi peu amène déclarant «cette élection est tout à fait incertaine et porteuse de tous les risques, d'abord du fait des évènements qui l'ont précédée, puis ceux qui nous sont rapportés depuis l'intérieur du pays». Pour sa part, Mohamed Khouna Ould Haidallah, héros à rebours de ce scrutin électoral, indique qu' «il y a toutes sortes d'intimidations (...). Je crains que les élections ne se déroulent pas dans la transparence». Ce qui n'est pas l'avis du président sortant, lequel après avoir déposé son bulletin de vote a déclaré devant la presse que les «élections en Mauritanie étaient désormais totalement transparentes». Toutefois, il n'en reste pas moins que l'épisode de l'arrestation, jeudi, de l'ancien président, Mohamed Khouba Ould Haidallah, un des candidats à cette présidentielle, avait quelque peu terni la tenue du scrutin, faisant même planer, un moment, la menace du report du vote. En effet, dans un communiqué la Fédération internationale des droits de l'Homme,(Fidh), avait demandé la suspension du scrutin «conformément à la loi électorale», rappelant les dispositions de la loi électorale mauritanienne, «qui dispose qu'en cas d'empêchement de l'un des candidats, - maladie, décès, arrestation - , l'élection doit être automatiquement reportée». C'est cette loi, estiment les observateurs qui incita les autorités à libérer, quelques heures après son arrestation, M Khouna Ould Haidallah, de même que son directeur de campagne, alors que cinq membres du staff du candidat de l'opposition sont toujours en garde à vue. Outre MM. Ould Sid Ahmed Taya, président sortant, et Khouna Ould Haidallah, quatre autres candidats sont partants pour ce scrutin, MM. Ould Daddah, Ould Boulkheir, Ould Jied et Mme Aïcha Mint Jeddane, seule femme, et sans doute première femme arabe, candidate à des élections présidentielles. Selon le ministère de l'Intérieur, les résultats devraient être connus ce matin. Selon la loi électorale, si aucun candidat n'obtient la majorité absolue des suffrages exprimés lors du premier tour, un second tour sera organisé dans les quinze jours qui suivent. La Mauritanie qui, depuis quelques années, a tenté, dans le sillage induit par la globalisation et l'impératif de bonne gouvernance, l'ouverture démocratique, fait le difficile apprentissage du pluralisme qui demande encore à être concrétisé sur le terrain.