Quelque 1,1 million d'électeurs mauritaniens sont appelés à voter demain pour élire leur nouveau président. Nouakchott (Mauritanie). De notre envoyé spécial Ce scrutin présidentiel, présenté comme le plus libre depuis l'indépendance de la Mauritanie en 1960, se veut la dernière étape d'un processus de transition démocratique entamé le 3 août 2005, date du coup d'Etat contre l'ancien président Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya. La réussite des élections législatives et locales tenues en novembre (premier tour) et décembre (second tour) 2006 et les sénatoriales en janvier 2007 semble rassurer davantage les Mauritaniens qui se montrent très enthousiastes pour ce scrutin dit pas « comme les autres ». La preuve en est dans l'intérêt grandiose manifesté par les citoyens pour la campagne électorale qui a pris fin hier dans le calme et la sérénité. Les 19 candidats, qui ont pris leur bâton de pèlerin en sillonnant le pays, organisant des meetings par-ci, des rencontres de proximité par-là, se sont interdits les attaques personnelles et les affrontements verbaux. Fait qui est rare dans les campagnes électorales dans les pays tiers-mondistes. Ces candidats, dont huit seulement sont issus de partis politiques, se sont contentés durant les quinze jours de campagne, ouverte le 23 février, d'expliquer leur programme électoral et faire part de leur volonté de changer les choses et améliorer le quotidien des Mauritaniens. Selon la presse locale, l'aspect socioéconomique a prévalu dans les discours de campagne. « Revalorisation des salaires », « résorption de la crise du logement », « création de l'emploi », « consécration de l'équité dans la distribution des richesses » sont, entre autres, les thèmes qui revenaient avec insistance dans les meetings de campagne. Les candidats à la magistrature suprême ont également promis de combattre la corruption et de réformer l'Etat. Comme ils se sont tous engagés à œuvrer pour une Mauritanie libre et prospère et pour le renforcement de l'Etat de droit. Si chacun des candidats a son propre, il reste qu'ils sont tous d'accord sur le principe de consolider la culture démocratique et l'alternance au pouvoir. Cela a mené un candidat à promettre aux électeurs et aux Mauritaniens de limiter le mandat présidentiel à un seul non renouvelable, en l'occurrence Mohamed Ould Cheikna, candidat indépendant. Messaoud Ould Belkheir, porte-étendard des Haratines (les esclavages), candidat de l'Alliance populaire progressiste (APP), et Saleh Ould Hanana (42 ans), ex-commandant et l'un des auteurs du coup d'Etat contre l'ancien président Ould Taya avorté en 2004, se sont distingués dans cette campagne non pas par leur popularité, mais plutôt par leur position anti-israélienne. Ce sont les seuls candidats qui ont promis d'« arrêter » leurs relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. Durant les quinze jours de campagne, trois candidats se sont distingués et sont devenus les favoris de cette compétition électorale. Le premier n'est autre que Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui est considéré comme le « candidat du CMJD », même si ce dernier a eu à démentir ces « rumeurs ». M. Abdallahi, le plus âgé des candidats (69 ans), dispose d'une longue expérience dans la gestion des affaires publiques acquise à travers sa nomination plusieurs fois ministre à l'époque de Mokhtar Ould Daddah (premier président de la Mauritanie indépendante) et de Maaouiya Ould Taya. Son dernier meeting tenu jeudi 8 mars à Nouakchott a drainé beaucoup de monde. Parmi les plus en vue figure également Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Demi-frère de Mokhtar Ould Daddah, Ahmed est apprécié surtout pour son passé de militant de la démocratie, lui qui a été emprisonné sous l'ère de Ould Taya. Le troisième favori est le jeune Zeine Ould Zeidane, 41 ans, brillant économiste qui a séduit des pans entiers de la société par son discours « porteur d'espoir » pour la jeunesse. Ses sympathisants le considèrent comme « le plus propre » des candidats, arguant qu'il n'a jamais été dans aucun gouvernement. Mais il reste que les plus en vue sont Ould Daddah et M. Abdallahi qui, selon les pronostics, pourraient s'affronter dans le cas d'un second tour, qui devrait se tenir le 25 mars. Ould Daddah a l'avantage de jouir de l'aura d'un fervent opposant, contrairement à M. Abdallahi qui semble être plutôt rassuré par ses prétendus soutiens au sein de l'armée et au pouvoir. Dans le cas d'un second tour, d'autres candidats pourraient également jouer un rôle déterminant dans le report de voix et dans le jeu d'alliance. Il s'agit, entre autres, de Messaoud Ould Boulkheir, 64 ans, de Saleh Ould Henana, 42 ans. Loin de ces hypothèses, le Conseil militaire pour la justice et la démocratique (CMJD), par la voix de son secrétaire général, Habib Ould Haimat, a encore une fois rassuré hier, dans une rencontre avec la presse et les observateurs nationaux et internationaux, de la neutralité de l'administration. Le président de la Commission électorale nationale indépendante, Ould Babamin, a affirmé que le dispositif de surveillance de l'opération électorale mis en place rend difficile toute tentative de fraude.