Au moment où son film anormal Normal était diffusé à Béjaïa, France 2 diffusait son dernier téléfilm de commande «La Baie d'Alger». Merzak Allouache devait être aux anges et ses détracteurs au diable. Et pourtant la honte et le déshonneur se lisaient sur le visage crispé du cinéaste, quand on évoquait avec lui la diffusion de ce téléfilm. Produit en 2011, par la société la Compagnie des Phares et Balises d'un ancien juif d'Algérie, Jean Labib, cette oeuvre a été jetée aux oubliettes par la direction de la programmation de France 2, avant de lui trouver «un trou», durant l'Euro 2012. En effet, aucun producteur n'accepterait qu'on diffuse son film dans une soirée ou était diffusé un match aussi médiatisé que celui de l'Allemagne-Pays Bas. Côté audience, le téléfilm La Baie d'Alger était mal parti, malgré une promotion de plusieurs jours, juste après le Journal télévisé. Il faut dire aussi que la renaissance de Merzak Allouache à Cannes avec le film Le Repenti, a joué en sa faveur à France 2. Après l'échec des précédents téléfilms de commande Tata Bakhta et Tamanrasset, il était devenu impossible de placer un film de Allouache en prime time. Il n'était plus Banckable, selon certains spécialistes. Même le film Harragas a été diffusé à des heures impossibles sur Canal +. Avec ce téléfilm, Allouache a réussi à en faire un film à la Alexandre Arcady, avec Roger Hanin en moins. La plage, des ados insouciants des enjeux historiques, la détente sur la plage, les boums, premiers baisers, les regrets des pieds-noirs, des militaires aux pieds blancs, des colons aux pieds-noirs, des officiers aux couleurs kaki. Tout y est même la musique Chachacha...des juifs pieds-noirs qui socialisent avec leurs servants arabes et des silhouettes de femmes nues filmées en cachette à la façon de Sergio Leone. Tourné en France, Merzak Allouache n'a pu reconstituer Alger dans sa splendeur. L'une des plus belles baies au monde a échappé à la caméra du réalisateur. La production a préféré tourner le film à Sète dans l'Hérault sur la plage de Racou, pour capter au moins le soleil passant de l'Algérie. Pas de grands moments dans ce téléfilm: le film démarre avec l'image d'un chef de l'ALN avec la barbe, qui se fait sermonner par son ancienne voisine, jouée par Catherine Jacob. Biyouna comme à son habitude joue dans son périmètre de prédilection: femme de joie ou encore ce moment d'hommage dans la rencontre du héros avec l'Albert Camus. Enfin Ousliha clôt ce film pro-colonial, en évoquant dans un passage rajouté par le réalisateur l'assassinat de son mari moudjahid par les terroristes. Un passage qui n'existe pas dans le livre souvenir de pied-noir de Louis Gardel. La Baie d'Alger est un téléfilm nostalgique, accentué par la musique de David Hadjadj, (celui qui a signé la musique de Harragas). Ce téléfilm n'honore pas le réalisateur algérien, qui réalise ainsi une oeuvre de commande aux nostalgiques de l'Algérie française. Jean Labib cherchait un réalisateur algérien qui n'a pas réalisé une oeuvre sur la révolution algérienne, c'est chose faite. La Baie d'Alger, qui n'a été vu ni par les Français ni par les Algériens, a eu le mérite de faire couler quelques larmes de nostalgie à quelques pieds-noirs. [email protected]